(Paris) Pilier déchu du monde de la mode, l’ancien agent de mannequins français Jean-Luc Brunel, incarcéré depuis fin 2020 pour plusieurs « viols sur mineur », a été retrouvé mort dans sa cellule de la prison de la santé à Paris dans la nuit de vendredi à samedi.

Une source proche du dossier a indiqué que M. Brunel s’était suicidé par pendaison.  

PHOTO JOEL SAGET, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Vue sur la prison de la Santé, à Paris

Le parquet de Paris a seulement confirmé l’information que ce proche du milliardaire américain décédé Jeffrey Epstein avait été retrouvé mort.

Une enquête en recherche des causes de la mort a été ouverte, confiée au 3e district de police judiciaire, a indiqué cette source.

Accusé de viols par plusieurs anciens top models, ce qu’il contestait, le septuagénaire avait été mis en examen fin juin 2021 pour « viol sur mineur de plus de 15 ans » concernant une femme, après une première mise en cause en décembre 2020 pour « viols sur mineur de plus de 15 ans » et « harcèlement sexuel » concernant deux autres femmes.

Il avait en outre été placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté pour les faits de « traite des êtres humains aggravée au préjudice de victimes mineures aux fins d’exploitation sexuelle ».

Sa mort signifie l’extinction de l’action publique dans ce dossier, sauf si d’autres personnes devaient être mises en cause.

« Sa détresse était celle d’un homme de 75 ans broyé par un système médiatico-judiciaire sur lequel il serait temps de s’interroger. Jean-Luc Brunel n’a cessé de clamer son innocence. Il a multiplié ses efforts pour en faire la preuve », ont réagi samedi ses avocats, Mathias Chichportich, Marianne Abgrall et Christophe Ingrain.

Incarcéré en décembre 2020 après sa mise en examen, il avait été remis en liberté pendant quelques jours fin 2021, « puis il a été réincarcéré dans des conditions indignes », selon ses conseils, sur décision de la cour d’appel de Paris. Il avait formé un pourvoi.

Accusations multiples

Disparu des radars pendant des années-à l’exception d’une apparition dans une soirée huppée à Levallois-Perret en juillet 2019 —, M. Brunel a été accusé d’avoir joué le rabatteur pour Jeffrey Epstein, en faisant miroiter une carrière dans le mannequinat à de jeunes filles de milieux modestes.

Figure de la jet set internationale et ami des puissants, Jeffrey Epstein avait été inculpé en juillet 2019 aux États-Unis pour l’organisation, entre 2002 à 2005 au moins, d’un réseau de jeunes filles exploitées sexuellement. Il s’est suicidé dans sa prison new-yorkaise début août 2019.

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Jeffrey Epstein

Le nom de Jean-Luc Brunel, fondateur en 1978 de la prestigieuse agence Karin Models, parti aux États-Unis lancer MC2 Model Management, apparaît dès la première enquête sur Jeffrey Epstein, en 2007-2008.  

Des messages troublants ont été retrouvés par la police de Floride, dont celui-ci, en 2005 après un coup de fil de « Jean-Luc » : « Il a une prof pour vous, pour vous apprendre à parler russe. Elle a 2x8 ans, pas blonde ».

Virginia Giuffre, une des principales plaignantes de l’affaire Epstein et qui vient de conclure un arrangement financier avec le prince Andrew, a par ailleurs affirmé avoir été forcée à des rapports sexuels avec Jean-Luc Brunel.

La mort de Brunel « marque la fin d’un autre chapitre » a écrit Mme Giuffre sur Twitter. « Je suis déçue de ne pouvoir l’affronter dans un procès pour qu’il rende des comptes, mais heureuse d’avoir pu témoigner l’année dernière pour le faire emprisonner. »

Alerté sur l’existence potentielle de victimes françaises de Jeffrey Epstein, propriétaire d’un appartement avenue Foch, le parquet de Paris avait lancé des investigations en août 2019.

Une plainte avait été déposée deux mois plus tard contre Jean-Luc Brunel.

Avec le retentissement du scandale, plusieurs anciens mannequins étaient alors sorties du silence pour accuser aussi directement Jean-Luc Brunel de viols. Des accusations qui étaient déjà apparues dans un documentaire de CBS en 1988.

Me Anne-Claire Le Jeune, avocate des parties civiles, a évoqué samedi la « frustration et l’amertume de ne pas pouvoir obtenir justice, comme pour les victimes d’Epstein ».

« Ça a demandé tellement de courage de pouvoir prendre la parole […], c’est assez terrible pour les victimes », qui selon elle ont le « sentiment qu’il part avec un certain nombre de secrets ».

La Néerlandaise Thysia Huisman, qui affirme avoir été « droguée et violée » par Jean-Luc Brunel en 1991, s’est dite « choquée » et « déçue » sur Twitter. « Était-ce vraiment un suicide ? C’est une fin complètement différente sans véritable justice pour ses victimes. »

Selon des sources concordantes, l’Office central de répression des violences à la personne (OCRVP), chargé de l’enquête, avait réalisé plus d’un demi-millier d’auditions.

Jean-Luc Brunel avait été interpellé en décembre 2020 à l’aéroport Charles-de-Gaulle alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol pour Dakar.