(Paris) Le procès de l’assassinat du père Hamel dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, en Normandie, a débuté lundi à Paris par l’interrogatoire d’un accusé qui dit craindre qu’on lui fasse porter une responsabilité trop grande et devant des victimes qui exigent de « comprendre » ce qui a mené à l’attentat.

Les deux jeunes djihadistes qui ont poignardé à mort le prêtre le 26 juillet 2016, Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, avaient été tués par la police à leur sortie de la petite église de la banlieue de Rouen.

Les trois hommes qui ont pris place dans le box de la cour d’assises spéciale de Paris, Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia, font partie de l’entourage des assaillants.

PHOTO FRANCOIS MORI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Une photo de feu le père Jacques Hamel, placée sur des fleurs au mémorial près de l’église où il a été égorgé de 18 coups de couteau par deux islamistes, le 26 juillet 2016. La photo a été prise le lendemain devant l’hôtel de ville.

Ils comparaissent pour « association de malfaiteurs terroriste », soupçonnés d’avoir été au courant de leurs projets, d’avoir partagé leur idéologie ou tenté de rejoindre la Syrie.

Le quatrième accusé, Rachid Kassim, sera jugé en son absence.

Kassim, propagandiste français du groupe État islamique, est probablement mort en Irak en 2017. Mis en examen pour complicité de l’assassinat du prêtre et la tentative d’assassinat d’un paroissien, il est soupçonné d’avoir « sciemment encouragé et facilité le passage à l’acte » des deux djihadistes.

Premier à répondre aux questions de la cour, Farid Khelil, 36 ans, a assuré avoir « beaucoup de mal » avec les faits qui lui sont reprochés, qu’il « conteste ». « Ce costume, il est trop grand pour moi ».

« Pas d’engagement religieux »

Devant la cour, il évoque sourire aux lèvres un parcours très éloigné de l’islam radical, avec ses « nombreuses petites amies », sa consommation de cannabis (« Ça fait 24 ans que je suis en sevrage ») ou ses voyages aux Pays-Bas et en Allemagne « pour les maisons closes ».

Cheveux longs attachés en queue de cheval, petites lunettes et pull gris, Farid Khelil se décrit aussi comme un enfant en « manque d’affection » après le divorce de ses parents et décrit son éducation « à la française » par une fille de harkis et l’« injustice » qu’il a ressentie après un licenciement économique en 2015.

S’il s’est un temps rendu à la mosquée pour renouer avec son père, puis a fréquenté son cousin Abdel-Malik Petitjean qui l’a initié à la prière et lui a montré des vidéos de propagande pour le « sensibiliser » au sort des Syriens, l’accusé affirme n’avoir « jamais eu » d’engagement religieux et n’avoir « jamais pratiqué ».

Après lui, Yassine Sebaihia, 27 ans, explique comment il s’est tourné vers la religion en 2016.

En échec dans ses études de BTS électrotechnique, sans emploi, en froid avec sa petite amie, il a le sentiment qu’on lui a « jeté un sort » et recherche des informations sur le sujet via « des vidéos sur l’internet ».

Ce jeune homme aux longs cheveux frisés se dit peut-être « naïf » mais assure n’avoir « jamais eu d’amis qui ont commis des délits ».

Il est poursuivi pour avoir brièvement rejoint les deux djihadistes à Saint-Étienne-du-Rouvray le 24 juillet, avant de repartir le lendemain. Il a toujours affirmé qu’il n’avait pas eu connaissance de leur projet d’action violente.

« Comprendre »

La cour doit entendre mardi le troisième accusé, Jean-Philippe Jean Louis.

Tous trois en détention provisoire depuis cinq ans, ils encourent trente ans de réclusion criminelle.

Avant-même le début de l’audience, les parties civiles ont exprimé le vœu de « comprendre ».

Grièvement blessé par les deux djihadistes, Guy Coponet, un paroissien, a souhaité « que justice soit faite ». Il « veut comprendre […] comment des jeunes tout juste sortis de l’adolescence en sont arrivés à commettre de telles horreurs », a expliqué à l’AFP son avocat, Me Méhana Mouhou.

L’une des sœurs du père Hamel, Roseline, attend aussi « la vérité […] sur le manque de moyens » donnés « aux forces publiques pour éviter ce massacre ».

L’un des assassins, Adel Kermiche, était placé sous bracelet électronique au moment de l’attentat, après un départ avorté vers la Syrie.

La direction du renseignement de la préfecture de police (Dr PP) de Paris a en outre été mise en cause car, selon un article publié en 2018 par Mediapart, ses enquêteurs avaient eu accès une semaine avant l’assassinat à des messages du jeune homme sur la messagerie cryptée Telegram où il évoquait une attaque dans une église.

Quatre des cinq agents de ce service, cités à témoigner, ne sont « pas aptes psychologiquement à être entendus lors du procès », selon des certificats médicaux cités lundi par le président de la cour, éprouvés par cette affaire ainsi que par l’attentat survenu en 2019 dans les locaux de la préfecture de police de Paris.

La cour décidera plus tard si elle renonce à leur audition.