(Rome) Gage de stabilité, le président italien Sergio Mattarella a été réélu samedi au terme d’un marathon parlementaire qui a mis au jour les profondes divisions entre les partis au gouvernement à un moment charnière pour la reprise post-COVID-19.

Fumée blanche au Quirinale, le palais présidentiel à Rome : « Habemus papam », a lancé un sénateur après l’accord sur le nom de Mattarella annoncé entre les partis qui craignaient une crise institutionnelle et politique s’ils ne lui trouvaient pas de successeur.

À 80 ans, le président Mattarella avait répété qu’il ne comptait pas continuer dans ses fonctions, mais dans la journée, il a fait connaître aux chefs de groupes parlementaires sa volonté de se mettre « à disposition ».

Un tel scénario assure la stabilité au sommet de l’État en maintenant Mario Draghi, un moment donné favori, à la tête du gouvernement, dans un pays en phase de reprise économique.

« Félicitations, cher Sergio, pour ta réélection », a tweeté le président français Emmanuel Macron. « Je sais pouvoir compter sur ton engagement pour que vive l’amitié entre nos pays, ainsi que cette Europe unie, forte et prospère que nous sommes en train de bâtir ».

Saluant « un ami qui comprend l’importance de l’Europe », le président allemand Frank Walter Steinmeier a observé : « L’Europe a besoin d’une Italie forte et l’Italie va garder avec vous un président tourné vers l’avenir, qui n’a pas peur de la franchise, unit et offre une orientation ».

Mario Draghi a salué dans un communiqué une « merveilleuse nouvelle pour les Italiens ».

Plébiscité, M. Mattarella a recueilli 759 voix sur 1009 sénateurs, députés et responsables régionaux appelés à voter. Les élus présents dans l’hémicycle de la Chambre des députés où se tenait le dépouillement ont longuement applaudi les résultats.

Draghi plus utile au gouvernement

Les partis du gouvernement de coalition de Mario Draghi ne sont pas parvenus à s’entendre sur une candidature alternative commune au cours des sept premiers tours de scrutin tenus depuis le 24 janvier et se donc tournés vers le juriste italien pour le faire accepter de rempiler et sauver l’exécutif de l’implosion.

Si M. Draghi, ancien chef de la Banque centrale européenne, faisait figure de favori avant l’élection, les parlementaires craignaient que son départ de l’exécutif ne fasse exploser la coalition et ne provoque des élections anticipées avant la fin de la législature prévue en 2023.

Le départ de M. Draghi aurait aussi fragilisé la reprise de la troisième économie de la zone euro et la mise en œuvre des réformes nécessaires pour bénéficier des dizaines de milliards d’euros du plan européen de relance post-COVID-19, dont l’Italie est la première bénéficiaire.

Pour Guido Cozzi, économiste à l’université de St. Gallen, « une extension du mandat de M. Mattarella est idéale pour les marchés financiers ». Et avec M. Draghi à la barre de l’exécutif, l’injection des fonds européens et les investissements planifiés sont « garantis pour une seconde année de suite », a-t-il expliqué à l’AFP.

Selon la presse, M. Draghi a longuement rencontré le chef de l’État samedi pour tenter de le convaincre d’accepter un nouveau mandat « pour le bien et la stabilité du pays ».

Rien n’empêchait Sergio Mattarella de refuser, a indiqué à l’AFP l’expert en droit constitutionnel, Gaetano Azzariti. Et s’il est élu pour un nouveau mandat de sept ans, il peut évidemment démissionner quand il l’entend.

Un second mandat compliqué

Le poste de président est en Italie largement protocolaire, mais il a un rôle important en cas de crise politique, dans un pays dont le paysage politique est très morcelé. C’est lui en effet qui a le pouvoir de dissoudre le Parlement, de nommer le premier ministre et il peut refuser le mandat de gouverner à des coalitions qu’il juge trop fragiles.

Né à Palerme sous Mussolini, Sergio Mattarella est une figure de la démocratie-chrétienne, formation dominante de la vie politique après-guerre face au Parti communiste italien (PCI). Il devient pour la première fois député au début des années 80 après l’assassinat par la mafia de son frère Piersanti, président de la région sicilienne.

Ce juriste de formation, député pendant 25 ans et cinq fois ministre, ne se destinait pas aux plus hautes fonctions électives. En 2008, alors ministre de la Défense, il quitte la vie politique et devient juge à la Cour constitutionnelle.

En 2011 pourtant, poussé - déjà à son corps défendant - par le chef de gouvernement de centre gauche Matteo Renzi, il est élu à la présidence. Son mandat a été marqué par les inévitables crises de la vie politique italienne, un tremblement de terre meurtrier et la pandémie.

Son second mandat ne s’ouvre pas sous de meilleurs auspices.

« La législature est sauvée », relevait ainsi le quotidien de centre gauche La Repubblica, « même si l’année qui nous sépare des urnes risque d’être une réédition du chaos auquel nous avons assisté ces derniers jours. Aucune illusion : la tâche de Mattarella sera plus compliquée qu’on ne l’imagine ».