(Berlin) La Russie, qui a massé des milliers de soldats à la frontière ukrainienne et lancé d'importants exercices navals, prend le risque de raviver le spectre de la Guerre froide, ont prévenu jeudi les États-Unis, menaçant à nouveau Moscou de représailles en cas d’incursion.

La Russie a annoncé jeudi des exercices navals tous azimuts, en pleins pourparlers à Berlin entre Occidentaux sur la crise ukrainienne.

Plus de 140 navires de guerre et environ 10 000 militaires prendront part en janvier et février à ces exercices menés dans l’Atlantique, l’Arctique, le Pacifique ou encore la Méditerranée.

L’objectif principal de ces manœuvres est de mettre en action « les forces navales, aériennes et spatiales » et de contrer les « menaces » depuis les « mers et les océans », a justifié le ministre russe de la Défense.

Bientôt avec la Chine et l'Iran

Alors que les tensions sont au plus haut avec les Occidentaux sur fond de craintes d’une invasion russe de l’Ukraine, Moscou a également prévu de mener des manœuvres navales conjointes avec l’Iran et la Chine, dont la date n’a pas encore été fixée.

L’annonce de ce déploiement intervient peu après que le Kremlin a jugé « déstabilisatrices » les déclarations de Joe Biden menaçant d’une réponse « sévère » en cas d’attaque militaire contre l’Ukraine.

Quelques heures avant l’arrivée en Allemagne du secrétaire d’État Antony Blinken pour des pourparlers avec les alliés européens, Joe Biden, investi il y a tout juste un an, avait prévenu que la situation « pourrait échapper à tout contrôle » en cas d’attaque russe.

« Menace de guerre totale »

Toute violation par la Russie de la souveraineté territoriale de l’Ukraine « nous ramènerait à une époque bien plus dangereuse et instable, lorsque ce continent était divisé en deux, […] avec la menace d’une guerre totale planant au-dessus de la tête de chacun », a lancé le secrétaire d’État américain Antony Blinken.

Le diplomate a fait ce parallèle depuis Berlin, ville coupée en deux par un Mur pendant près de 30 ans, où il a mené jeudi des pourparlers avec ses alliés européens, à la veille d’une rencontre cruciale à Genève avec les Russes.

La Russie a déployé des dizaines de milliers de soldats à la frontière ukrainienne, laissant craindre une invasion. Tout en niant un quelconque projet d’attaque, le Kremlin martèle qu’une désescalade passe par des garanties écrites pour sa sécurité.

Moscou avait déjà organisé mercredi des exercices militaires conjoints avec les forces de l’ex-république soviétique de la Biélorussie, également voisine de l’Ukraine. Des exercices susceptibles de présager une présence militaire russe permanente impliquant des forces conventionnelles et nucléaires en Biélorussie, selon un responsable américain.

Non au « Yalta 2 » réclamé par la Russie

M. Blinken et les alliés occidentaux des États-Unis ont affiché en retour leur fermeté.

« Tout » franchissement de la frontière ukrainienne par la Russie entraînerait une réaction « rapide et sévère » des États-Unis, a prévenu Antony Blinken.

Jouant la fermeté, Antony Blinken a jugé que l’entrée éventuelle de soldats russes constituerait « une agression très claire de l’Ukraine » et ce « peu importe qu’il s’agisse d’un seul ou d’un millier de soldats », dans un entretien à la chaîne de télévision ZDF, selon la traduction de ses propos en allemand.

Pour montrer l’unité des Occidentaux face à la menace russe, la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a elle assuré que les États-Unis et leurs alliés n’hésiteraient pas à agir, même si des représailles devaient avoir des « conséquences économiques » pour l’Europe.

Son homologue français, Jean-Yves Le Drian, présent lui aussi à Berlin, a mis en garde les Russes contre toute volonté de forger un « Yalta 2 », un nouveau partage des sphères d’influence entre Est et Ouest, près de 77 ans après la conférence qui avait dessiné l’Europe de l’après Seconde guerre mondiale.

Même tonalité à Londres, où le premier ministre Boris Johnson a prévenu qu’une incursion russe en Ukraine, quelle que soit son ampleur, serait « un désastre pour le monde ».

Antony Blinken espère encore trouver une porte de sortie diplomatique aux tensions croissantes entre Kiev et Moscou. Il doit rencontrer vendredi le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov à Genève.

Exigences vouées « à l’échec »

M. Blinken avait souligné mercredi qu’il ne présenterait « pas de document » lors de sa rencontre vendredi à Genève avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.  

« Nous devons voir où nous nous situons et s’il reste des opportunités de poursuivre la diplomatie », a-t-il dit, précisant que certaines exigences russes étaient « clairement, absolument, vouées à l’échec », comme l’engagement à ne jamais élargir l’OTAN à l’Ukraine.  

En plus d’un traité bannissant tout élargissement de l’Alliance atlantique à l’Ukraine mais aussi à la Géorgie, une autre ex-république soviétique, la Russie réclame que les Américains et leurs alliés renoncent à organiser des manœuvres et des déploiements militaires en Europe de l’Est.

Non négociable

Moscou a signifié que ses demandes étaient non négociables, et les États-Unis les ont jugées pour l’essentiel inacceptables.

Dans ce contexte, Washington a annoncé mercredi « une provision de 200 millions de dollars en aide sécuritaire défensive supplémentaire » à l’Ukraine, complétant 450 millions de dollars d’aides déjà accordées.

Les États-Unis ont aussi approuvé les demandes des pays baltes d’expédier des armes de fabrication américaine à l’Ukraine.  

L’Allemagne a pour sa part rejeté l’idée de livrer des armes à l’Ukraine, estimant que cela ne ferait qu’aggraver les tensions, mais n’exclut pas des conséquences sur l’avenir du gazoduc controversé Nord Stream 2.