Un député qui le quitte, un autre qui le rabroue : Boris Johnson a passé un très mauvais moment, mercredi, à Londres.

Ça ne s’améliore pas pour Boris Johnson.

Dans la foulée du scandale concernant des fêtes à sa résidence de Downing Street pendant le confinement, le premier ministre conservateur britannique a reçu deux nouveaux camouflets mercredi, en dépit de ses annonces concernant la levée des restrictions sanitaires.

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Le député Christian Wakeford (au centre), qui est passé du camp conservateur au camp travailliste mercredi

L’un de ses députés, Christian Wakeford, a traversé la chambre en pleine période des questions pour rallier les rangs de l’opposition travailliste, en signe de protestation contre l’irresponsabilité de son chef. À cette défection spectaculaire, s’ajoutent les déclarations de l’ancien ministre David Davis, fervent disciple du Brexit, qui a publiquement désavoué Johnson. « Vous êtes resté ici trop longtemps pour le bien que vous avez fait. Au nom de Dieu, partez », a déclaré Davis, sans cacher son agacement.

Ces signaux négatifs en disent long sur la détresse qui règne actuellement chez les conservateurs britanniques, au plus mal dans les sondages. Tandis que l’opposition travailliste appelle à la démission du dirigeant, la perspective d’un vote de défiance semble chaque jour se préciser et serait même à prévoir d’ici les prochains jours, selon certains médias. Pour ce faire, il faudrait que 15 % des députés conservateurs (54 élus sur 359) envoient une demande en ce sens au groupe parlementaire du parti (le Comité 1922) pour qu’un vote se tienne à l’interne.

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Le député conservateur David Davis

Coïncidence ? Johnson a annoncé mercredi la levée des dernières restrictions anti-COVID en Angleterre, une semaine plus tôt que prévu.

À partir du jeudi 27 janvier, le port du masque ne sera donc plus obligatoire, quoique recommandé dans les endroits fermés et bondés, et sera abandonné dès jeudi dans les écoles. Il n’y aura plus de passeport sanitaire pour l’accès aux boîtes de nuit et certains grands rassemblements, tandis que le nombre de cas positifs a commencé à baisser dans le pays et que les hospitalisations se sont stabilisées.

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Le premier ministre Boris Johnson à la période des questions, mercredi

Rien ne dit toutefois que ces assouplissements permettront à Johnson de contrer la fronde interne et la colère de la population britannique, qui ne digère toujours pas l’impunité et les mensonges de son premier ministre dans l’affaire du « partygate ». Pour Christopher Stafford, professeur de politique à l’Université de Nottingham, il est encore un peu trop tôt pour présumer du départ de BoJo.

La Presse : Comment faut-il interpréter la défection de Christian Wakeford ? Quels en seront les impacts ?

Christopher Stafford : C’est intéressant, mais je ne suis pas si certain que ce sera décisif. C’est un député jeune et inexpérimenté, sans grande notoriété ou grand poids politique. Cependant, ça pourrait être un signe que le bateau coule et que les choses vont s’empirer. À l’inverse, cela peut choquer les parlementaires conservateurs et renforcer leur loyauté envers le parti. Je ne suis vraiment pas certain de la direction que ça prendra !

Q. Wakeford est le second conservateur à faire défection après l’ancien président de la Chambre des communes, le très médiatique John Bercow. Ces gestes d’éclat sont-ils monnaie courante en politique britannique ?

R. Cela arrive parfois. Il y a eu quelques cas lors des débats sur le Brexit en 2019, mais la plupart de ceux qui ont claqué la porte sont devenus indépendants plutôt que de se joindre à un parti établi comme le Labour. Cela reste considéré comme un geste énorme et une trahison significative.

Q. Que dire des propos de David Davis ? « Au nom de Dieu, partez … » Cette claque annonce-t-elle un vote de défiance des députés conservateurs contre leur chef ?

R. Possible. Cela dit, Davis n’est pas vraiment représentatif des parlementaires conservateurs en général. D’une petite secte peut-être, mais pas de la majorité. Il parle généralement pour lui-même et ne possède pas un si large soutien dans le parti. Ce qu’il a dit peut sembler énorme, je le reconnais : un ancien allié du Brexit tourne le dos à Johnson ! Mais je ne suis pas si certain que ça influencera les députés qui n’ont pas déjà leur opinion.

Q. Boris Johnson a d’ailleurs levé les mesures anti-COVID mercredi. Faut-il y voir une manière cynique de détourner l’attention sur ses problèmes et de calmer la colère de la population ?

R. Ça ressemble certainement à ça. La population est fatiguée des restrictions. Mais, plus important encore, plusieurs députés de Johnson y sont lourdement opposés. Je dirais donc que cette décision servira autant à apaiser les électeurs que ses propres députés. Johnson a besoin de tout le soutien et de tout le bénéfice politique possibles !

Q. Plusieurs continuent de réclamer sa démission. Ça reste envisageable ?

R. C’est possible, il pourrait éventuellement être forcé de le faire. Mais connaissant Johnson, il va tenter de l’éviter le plus longtemps possible !