(Londres) Mis en cause pour une série de fêtes à Downing Street en plein confinement, le premier ministre britannique Boris Johnson a été accusé jeudi par un élu de sa majorité de recourir au « chantage » pour éviter d’être délogé.

Le dirigeant conservateur de 57 ans subit sa pire crise depuis son accession triomphale au pouvoir à l’été 2019. Ses excuses au Parlement la semaine dernière — où il a reconnu sa présence à l’une de ces fêtes en mai 2020 tout en affirmant avoir pensé qu’il s’agissait d’une réunion de travail — n’ont pas apaisé la colère qui gronde au sein même de sa majorité.

Contre-attaque musclée

Boris Johnson, qui semblait un temps sur un siège éjectable, se montre déterminé à traverser la tempête, contre-attaquant mercredi en disant vouloir mener la campagne des prochaines législatives, prévues en 2024.

Signe de la tension persistante, le député conservateur William Wragg a exhorté ses collègues à signaler à la police toute tentative de « chantage » pour les dissuader de soutenir un vote de défiance, organisé si 54 élus (15 % du groupe parlementaire) le demandent.

PHOTO DIFFUSION DES DÉBATS DU PARLEMENT BRITANNIQUE, VIA AGENCE FRANCE-PRESSE

Le député William Wragg a dit avoir été alerté de tentatives de chantage venant d’« employés du 10 Downing Street, de conseillers spéciaux, de membres du gouvernement et d’autres encourageant la publication d’articles dans la presse cherchant à embarrasser ceux qu’ils soupçonnent de manquer de confiance dans le premier ministre ».

M. Wragg a dit avoir été alerté de tels comportements venant d’« employés du 10 Downing Street, de conseillers spéciaux, de membres du gouvernement et d’autres encourageant la publication d’articles dans la presse cherchant à embarrasser ceux qu’ils soupçonnent de manquer de confiance dans le premier ministre ».

« Je n’ai vu ni entendu aucune preuve appuyant de telles allégations », a balayé Boris Johnson, lors de la visite d’une clinique. « Je suis concentré sur la priorité des Britanniques, c’est à dire sortir de la COVID-19 », a-t-il ajouté.

Popularité en baisse

Cherchant à reprendre l’initiative, le premier ministre a annoncé mercredi la levée de l’essentiel des restrictions imposées en décembre face à la déferlante de cas Omicron au Royaume-Uni, jugées liberticides par une partie de sa majorité.

Sa décision a été accueillie avec enthousiasme par les tabloïds conservateurs, implacables contre lui ces derniers jours.

Vue au départ comme un soufflet, la défection surprise mercredi du député Christian Wakeford, parti rejoindre l’opposition travailliste, a en outre semblé souder le parti au pouvoir.

« Cela a calmé les nerfs », a estimé le député Andrew Percy sur la BBC. « Je pense que les gens ont reconnu qu’en fait, ce nombrilisme constant et ce débat interne ne font que profiter à nos adversaires politiques ».

Appuyant les accusations d’intimidations du pouvoir, M. Wakeford, qui faisait partie des rares élus à appeler ouvertement à la démission de Boris Johnson, a affirmé s’être vu menacer que sa circonscription perdrait une école s’il ne rentrait pas dans les rangs.  

Outre cette défection spectaculaire, intervenue à l’ouverture de la séance hebdomadaire à la Chambre des communes, le premier ministre a survécu à la tentative d’un groupe de jeunes députés tories de s’unir pour le renverser, dans ce que la presse surnomme le « complot du pork pie », pâté en croûte qui est une spécialité de la circonscription de l’une de ces élus.

La popularité de Boris Johnson reste cependant au plus bas. Près de six Britanniques sur dix (61 %, en hausse de 5 points par rapport à la semaine précédente) ont une opinion défavorable de lui, selon un sondage Ipsos Mori publié jeudi.

Intervention de Tony Blair

Dans un discours, l’ancien premier ministre travailliste Tony Blair a relativisé l’importance de la survie politique de Boris Johnson.

« Je comprends parfaitement la rage contre ce qui s’est passé à Downing Street pendant le confinement et ce que ressent le pays », a-t-il déclaré. « Peut-être que Boris Johnson va partir et peut-être pas. Mais le vrai problème est l’absence de projet gouvernemental pour l’avenir de la Grande-Bretagne ».

La colère suscitée par ces fêtes qui ont eu lieu au moment où la population était priée de réduire drastiquement ses interactions a atteint l’artiste Tracey Emin, qui a réclamé qu’une de ses œuvres soit retirée de Downing Street.

L’enfant terrible de l’art britannique a jugé que le gouvernement devait démontrer « plus de compassion » et non « plus de passion », en référence à l’œuvre « More Passion » dont elle avait fait don à la collection d’art du gouvernement en 2011.