(Washington) Les États-Unis s’inquiètent d’un projet de réforme constitutionnelle en Biélorussie qui permettrait un déploiement d’armes nucléaires russes dans ce pays frontalier de l’Ukraine et de la Pologne, a déclaré mardi à la presse une haute responsable du département d’État américain.

Les exercices militaires russo-biélorusses annoncés mardi par la Biélorussie « vont bien au-delà de ce qui est normal » et pourraient annoncer une présence militaire permanente de la Russie dans cette ancienne république soviétique restée un des alliés les plus proches de Moscou, a précisé à la presse cette responsable ayant requis l’anonymat.

Attaque possible « à tout moment »

Les États-Unis avaient averti plus tôt mardi que la Russie pouvait « à tout moment » attaquer l’Ukraine, faisant monter le niveau d’alarme au moment même où Washington lance une nouvelle tentative de dialogue avec Moscou.

« Nous sommes à un stade où la Russie peut lancer à tout moment une attaque en Ukraine », a estimé mardi la porte-parole de la Maison-Blanche Jen Psaki, en parlant d’une « situation extrêmement dangereuse ».

Une responsable du département d’État américain a alerté sur des mouvements de troupes russes mardi en Biélorussie, voisin de l’Ukraine.

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Un convoi de véhicules blindés russes en déplacement sur une autoroute en Crimée, le mardi 18 janvier 2022. La Russie a concentré environ 100 000 soldats avec des chars et d’autres armes lourdes près de l’Ukraine. L’OTAN dit craindre que ces mouvements de troupes soient le le prélude à une invasion.

« Le fait que nous observions ces mouvements en Biélorussie donne clairement aux Russes une nouvelle approche, s’ils décidaient d’entreprendre des actions militaires plus poussées contre l’Ukraine », a-t-elle détaillé.

En fin de semaine dernière, Washington avait déjà accusé Moscou d’avoir dépêché en Ukraine des agents chargés de mener des opérations de « sabotage » afin de créer un « prétexte » pour une invasion.

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Cette photographie diffusée le mardi 18 janvier 2022 par le ministère de la Défense de la Biélorussie montre un train transportant du matériel militaire à son arrivée en Biélorussie, où des manœuvres militaires conjointes doivent avoir lieu, sur fond de tensions entre l’Occident et la Russie au sujet de l’Ukraine.

Ce ton toujours plus alarmiste de la part des États-Unis coïncide avec le lancement d’une nouvelle tentative de dialogue avec la Russie.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken rencontrera son homologue russe, Sergueï Lavrov, vendredi à Genève, pour tenter malgré tout de chercher « une porte de sortie ».

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Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov durant une conférence de presse avec la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock à la suite de leur rencontre à Moscou, en Russie, le 18 janvier 2022.

Avant cela, Antony Blinken est attendu mercredi à Kiev dans un contexte explosif, la Russie ayant déployé des dizaines de milliers de militaires à la frontière ukrainienne.

La Russie est « l’agresseur », dit le Canada

Il y était précédé mardi par son homologue canadienne Mélanie Joly, qui a souligné la nécessité de se tenir « aux côtés de l’Ukraine » face à la Russie qui « est l’agresseur ».

Plus tôt mardi, la Russie avait réclamé des réponses « concrètes et dans les plus brefs délais » à ses exigences avant de nouveaux pourparlers sur l’Ukraine, au moment où les Occidentaux s’efforcent de ramener Moscou à la table des négociations pour éviter un conflit militaire.

Alors que l’Ukraine et ses alliés craignent une invasion russe, des négociations la semaine passée à Genève, Bruxelles et Vienne n’ont jusque-là permis que de constater le fossé séparant Moscou et les Occidentaux.

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Un convoi de véhicules blindés russes en déplacement sur une autoroute en Crimée, le mardi 18 janvier 2022. La Russie nie toute velléité belliqueuse en Ukraine et se dit menacée par le renforcement de l’OTAN dans la région.

Antony Blinken a « souligné l’importance de poursuivre une voie diplomatique pour désamorcer les tensions provenant de l’accumulation profondément inquiétante de troupes russes dans et autour de l’Ukraine ».

« Nous attendons les réponses qu’on nous a promises […] afin de poursuivre les négociations », a dit le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

Demandes jugées inacceptables

En réponse à une révolution pro-occidentale en Ukraine, la Russie a déjà annexé en 2014 la péninsule ukrainienne de Crimée et est largement considérée comme étant le parrain militaire de séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, théâtre d’une guerre depuis près de huit ans.

En plus d’un traité bannissant tout élargissement de l’OTAN, en particulier à l’Ukraine et la Géorgie, une autre ex-république soviétique, Moscou réclame que les Américains et leurs alliés renoncent à organiser des manœuvres et des déploiements militaires en Europe de l’Est.

Ces revendications sont jugées inacceptables par les Occidentaux, qui veulent néanmoins poursuivre les discussions pour éviter un conflit armé aux conséquences imprévisibles

Rencontre Blinken-Lavrov vendredi

Malgré tout cela. Antony Blinken et Sergueï Lavrov se verront vendredi à Genève afin de chercher une « porte de sortie diplomatique » à la crise entre la Russie et l’Ukraine, a annoncé par la suite une responsable du département d’État.

« Le secrétaire d’État est impliqué à 150 % pour chercher une porte de sortie diplomatique et c’est vraiment ce qui motive » la rencontre avec le ministre des Affaires étrangères russe, a indiqué cette source sous couvert d’anonymat.

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Antony Blinken a « souligné l’importance de poursuivre une voie diplomatique pour désamorcer les tensions provenant de l’accumulation profondément inquiétante de troupes russes dans et autour de l’Ukraine ».

Lors d’un entretien téléphonique avec son homologue américain, Sergueï Lavrov a exigé « des commentaires concrets, article par article » et « dans les plus brefs délais », sur deux projets de traités soumis par Moscou, a fait savoir le ministère russe des Affaires étrangères.

Lors du même entretien, M. Blinken avait plaidé en faveur de la « voie diplomatique » pour désamorcer la crise, selon Washington.

Le journal russe Kommersant avait rapporté tôt mardi que MM. Lavrov et Blinken étaient convenus de se voir vendredi à Genève, mais ni Moscou ni Washington n’avaient confirmé dans l’immédiat.

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Cette photographie diffusée le mardi 18 janvier 2022 par le ministère de la Défense de la Biélorussie montre des soldats russes en voie de décharger des véhicules blindés en Biélorussie en prévision de manœuvres militaires conjointes.

Signe de l’intense activité diplomatique, le département d’État a annoncé qu’après sa visite mercredi à Kiev, M. Blinken irait à Berlin pour des discussions avec le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne sur l’Ukraine.

La Russie se dit menacée par l’OTAN

La Russie nie toute velléité belliqueuse en Ukraine et se dit menacée par le renforcement de l’OTAN dans la région.

Lors de son entretien avec M. Blinken, M. Lavrov a d’ailleurs demandé à son homologue américain de ne pas « propager les spéculations sur une prétendue “agression russe” imminente », selon le ministère russe des Affaires étrangères.

Mais lors d’une conférence de presse avec son homologue allemande Annalena Baerbock, M. Lavrov a rejeté la demande occidentale de retirer les dizaines de milliers de soldats russes déployés à la frontière ukrainienne, assurant que ces troupes ne menaçaient personne.

Plus de 100 000 soldats russes, équipements et tanks ont été déployés près de l’Ukraine, sans raison. C’est difficile de ne pas voir cela comme une menace.

La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, en réponse à Sergueï Lavrov.

Ajoutant aux tensions, Moscou a commencé à déployer un nombre indéterminé de soldats en Biélorussie pour des exercices « impromptus » de préparation au combat aux frontières de l’UE et de l’Ukraine.

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Cette photographie diffusée le mardi 18 janvier 2022 par le ministère de la Défense de la Biélorussie montre un train transportant du matériel militaire à son arrivée en Biélorussie. Moscou a commencé à déployer un nombre indéterminé de soldats dans ce pays voisin de l’Ukraine pour des exercices « impromptus » de préparation au combat. Les manœuvres doivent avoir lieu à proximité des frontières biélorusses de l’Union européene et de l’Ukraine.

La Biélorussie est voisin de l’Ukraine ainsi que de la Pologne, la Lituanie et la Lettonie, des membres de l’OTAN et adversaires de la Russie.

Le vice-ministre russe de la Défense, Alexandre Fomine a signifié aux attachés militaires étrangers en poste à Moscou que ces manœuvres étaient destinées à « repousser une agression extérieure ».

La première étape, celle du déploiement, est en cours, la seconde, opérationnelle, durera du 10 au 20 février.

Demandes inacceptables

En réponse à une révolution pro-occidentale en Ukraine, Moscou a déjà annexé en 2014 la péninsule ukrainienne de Crimée et est largement considéré comme le parrain militaire de séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, théâtre d’une guerre depuis près de huit ans.

En plus d’un traité bannissant tout élargissement de l’OTAN, en particulier à l’Ukraine et la Géorgie, la Russie réclame que les Américains et leurs alliés renoncent à mener des manœuvres et déploiements militaires en Europe de l’Est.

Ces revendications sont jugées inacceptables par les Occidentaux, qui veulent néanmoins poursuivre les discussions pour éviter un conflit armé aux conséquences imprévisibles.

Par ailleurs, le Royaume-Uni a annoncé l’envoi d’armements, comme des missiles antichars, à l’Ukraine, alors que Kiev se plaignait du manque d’empressement des Occidentaux à renforcer leur aide militaire. Le Kremlin a dénoncé ces livraisons à venir.

La Turquie, membre de l’OTAN qui fournit des drones à Kiev au grand dam de Moscou tout en cultivant de bon rapports avec la Russie, a elle aussi mis en garde mardi contre une invasion de l’Ukraine, « un pays puissant ».

L’UE et Washington ont prévenu la Russie qu’elle serait la cible de sanctions très importantes en cas d’agression de l’Ukraine, une menace balayée par le Kremlin.

Débrancher Swift

« Aucune option n’est exclue » côté américain pour répondre à une telle attaque, a indiqué Jen Psaki, interrogée en particulier sur une exclusion de la Russie de « Swift ».

Largement inconnu du grand public, Swift est un rouage clé de la finance mondiale : cette société, sans réel concurrent, fournit aux banques un langage standardisé pour communiquer, mais également un réseau sécurisé, automatisé et rapide pour faire circuler ces messages.

Swift est une société de droit belge, basée à Bruxelles, mais les États-Unis exercent une très grande influence sur ses activités.

Une autre sanction régulièrement évoquée contre la Russie serait de frapper le gazoduc Nord Stream 2, qui débouche en Allemagne.

Jen Psaki a répété mardi que viser cette infrastructure, qui ne fonctionne pas encore, constituerait un levier « crédible » contre la Russie, alors que Berlin a exprimé des réticences à cette idée.