(Londres) Menacé de procès, le prince Andrew était devenu un tel embarras qu’Élisabeth II n’avait plus le choix : pour protéger la monarchie, son deuxième fils est désormais privé de tout rôle officiel, et, humiliation supplémentaire, de ses titres militaires.

Annoncée jeudi par le palais de Buckingham dans un communiqué à la sobriété brutale, la décision a fait la une vendredi de tous les quotidiens britanniques, qui soulignent le souci de la reine de « prendre ses distances », mais aussi l’humiliation du prince. « C’est la survie de l’institution royale à tout prix », écrit le Daily Mail.

« Il était temps de le pousser encore plus loin des projecteurs », explique à l’AFP Bob Morris, historien de la monarchie. Pour lui, « c’est probablement fini » pour le duc d’York « le mouton noir de la famille », également privé de tous ses parrainages royaux et qui ne peut plus utiliser son titre d’Altesse royale.

PHOTO DÉPOSÉE DANS LE CADRE DU PROCÈS DE GHISLAINE MAXWELL, VIA AGENCE FRANCE-PRESSE

Cette photo non datée prise dans un lieu non précisé a été déposée en cour par le bureau du procureur fédéral de New York le 9 août 2021. On y voit le prince Andrew, Virginia Giuffre et Ghislaine Maxwell.

La situation était devenue intenable, après le refus mercredi d’un juge new-yorkais de classer une plainte au civil accusant le prince d’agressions sexuelles sur une mineure, Virginia Giuffre, dans les années 2000, dans le cadre de son amitié trouble avec l’ancien financier Jeffrey Epstein.

La pression de quelque 150 militaires qui avaient écrit à la reine pour dénoncer le manque de « probité, honnêteté et de comportement honorable » de son deuxième fils — réputé son préféré —, neuvième dans l’ordre de succession au trône, a aussi joué. Tout comme les festivités annoncées pour les 70 ans de règne d’Élisabeth II, son jubilé de platine.

Énorme embarras

« C’était un énorme embarras que des militaires à la retraite exigent que les titres soient supprimés. Cela devient juste embarrassant et cela devient dommageable pour la reine (cheffe des armées, NDLR) parce que la reine est alors considérée comme protégeant son fils », explique Penny Junor, auteure de nombreux ouvrages sur la monarchie britannique.

« Il était temps de passer au plan B, pour protéger la monarchie et les célébrations du Jubilé », ajoute M. Morris.

Des festivités en l’honneur de la reine de 95 ans sont prévues dans tout le pays pendant quatre jours début juin, avec défilé militaire, concert à Londres, concours de puddings, grands déjeuners…

La souveraine, qui apparaît de plus en plus rarement en public, aurait pris sa décision après avoir discuté avec Charles, héritier de la Couronne, et son petit-fils le prince William, deuxième dans l’ordre de succession au trône, qui se trouvait mercredi à Windsor, selon la presse britannique.  

« J’imagine que Charles et William lui ont quelque part forcé la main », dit Penny Junor. « C’était dommageable pour la monarchie ».  

La reine toujours très populaire

La monarchie reste peu contestée au Royaume-Uni, grâce à la popularité d’Élisabeth II, inoxydable malgré les crises à répétitions des dernières années. Mais l’avenir est bien plus incertain, son héritier Charles restant peu aimé.

Le prince Andrew, 61 ans, aurait été convoqué jeudi au château de Windsor, où il se serait rendu en voiture avec son avocat. Il vit à cinq kilomètres du château, à Royal Lodge, l’ancienne maison de la reine mère.  

« Je pense que c’était la bonne chose à faire », affirme Deborah Jane Paul, comptable à Londres. « Il embarrasse sa Majesté, ce n’est pas juste […] et je pense qu’elle a été très bonne » avec lui.

Quelle que soit l’issue du procès civil à New York — où un accord financier à l’amiable reste une option — « ce sera personnel au prince Andrew, plutôt que dirigé vers la monarchie », ajoute M. Morris. « Andrew est le mouton noir de la famille, mais la famille continuera ».

Le prince Andrew n’avait déjà plus aucune activité publique depuis une interview télévisée calamiteuse en 2019, où il avait été interrogé sur les accusations le visant. Il avait catégoriquement démenti, sans la moindre empathie pour les victimes et sans regret pour ses liens avec Epstein.

Vendredi, un responsable gouvernemental a refusé de dire si le dispositif de sécurité dont il bénéficie continuerait à être payé les contribuables.  

Il n’est pas certain non plus qu’il puisse assister au printemps à la cérémonie prévue à la mémoire de son père le prince Philip, décédé en avril dernier, à l’abbaye de Westminster.