(Paris) Une grande partie des enseignants de France, exaspérés par la gestion gouvernementale de l’épidémie de COVID-19 à l’école, ont fait grève jeudi, un mouvement qui pourrait fragiliser le président Emmanuel Macron à trois mois de l’élection présidentielle.

L’ensemble des syndicats de l’Éducation nationale, des professeurs aux inspecteurs et chefs d’établissements, avaient appelé à cette mobilisation, dénonçant « une pagaille indescriptible » dans les établissements scolaires en raison de la cinquième vague épidémique et des protocoles sanitaires qu’elle implique.

Près de 38,5 % des enseignants ont fait grève jeudi dans les écoles maternelles et élémentaires, selon le ministère de l’Éducation, et 75 % selon le SNUipp-FSU, premier syndicat du primaire, qui a annoncé une école sur deux fermée et évoqué « une mobilisation historique ».

PHOTO FRANCOIS MORI, ASSOCIATED PRESS

Le message en écriture inclusive de cette enseignante est un pied de nez au ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, qui est responsable du protocole sanitaire dans les écoles… et qui a interdit l’écriture inclusive dans les écoles de France à l’automne 2021.

Dans les collèges et lycées, 23,7 % des enseignants étaient mobilisés, selon le ministère. Le Snes-FSU, premier syndicat du second degré, a lui avancé le chiffre de 62 % de grévistes.

Le mouvement a été soutenu dans la rue par quelque 136 manifestations qui ont rassemblé près de 78 000 personnes (77 500) en France, dont 8200 à Paris, selon le ministère de l’Intérieur.

À Paris, les syndicats ont été reçus en fin d’après-midi, à leur demande, par le premier ministre Jean Castex, en présence du ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer. Son collègue de la Santé Olivier Véran, tout juste testé positif à la COVID-19, était connecté en visioconférence.

À l’issue de cette rencontre, M. Blanquer a annoncé la mise à disposition de « 5 millions de masques FFP2 » pour les enseignants de maternelle sur demande et « plusieurs milliers » de remplaçants « pour faire face à la crise ».  

Il a également annoncé que les évaluations pour les classes de Cours Préparatoires prévues en janvier seront « reportées à un délai qui reste à définir ».  

« Nous demandons le début d’une véritable négociation pour des réponses rapides et concrètes sur le volet sanitaire, avec des remplaçants en plus notamment, mais aussi la revalorisation des salaires », avait prévenu avant la réunion le secrétaire général de la fédération du syndicat Force ouvrière pour l’enseignement (FNEC FP-FO), Clément Poullet.

« Garderie »

« Trois protocoles en dix jours, c’est n’importe quoi. On ment aux parents, car c’est une garderie qui est ouverte actuellement », a témoigné de son côté Anne Gau-Segonzac, 59 ans, directrice d’une école élémentaire de Montrouge, près de Paris.  

Pour Maxime, 20 ans, assistant d’éducation (AED) depuis deux ans au lycée Joliot-Curie de Nanterre, en banlieue parisienne, « avec tout ce qu’on nous demande de faire pour la gestion de la crise sanitaire […], on ne peut plus assurer nos missions ».

Le gouvernement se félicite lui que la France soit un des pays qui a le moins fermé les écoles pendant la pandémie.  

Depuis le retour en classe après les fêtes de Noël, les écoles vivent au rythme d’un nouveau protocole sanitaire qui nécessite une multiplication des tests et qui a changé à plusieurs reprises en 10 jours.

Un dispositif compliqué, alors que les cas se multiplient et entraînent la fermeture d’environ 10 000 classes parmi les 527 000 que compte la France.

Jean-Michel Blanquer, dont une partie des manifestants ont demandé la démission, a provoqué la colère en annonçant la veille de la rentrée scolaire et via la presse le protocole sanitaire. Puis en affirmant qu’on ne faisait « pas grève contre un virus ».

Le mouvement tombe mal pour le président Macron, quasi-candidat et toujours favori des sondages, à trois mois du premier tour de la présidentielle.

« Jusqu’à maintenant, les Français considéraient que le gouvernement et le président Macron avaient géré correctement la crise », mais si la grève est massive avec d’importantes perturbations, « cet équilibre risque de se rompre », a indiqué à l’AFP le politologue Brice Teinturier (Ipsos).

Les candidats à la présidentielle des partis d’opposition s’en sont donné à cœur joie ces derniers jours pour dénoncer le « chaos généralisé dans l’école », ou réclamer la démission de M. Blanquer.