(Paris) La gifle reçue par Emmanuel Macron lors d’un déplacement en France mardi relance un débat : si le gouvernement voit un « fait isolé », certains analystes s’interrogent sur le degré de rejet du chef de l’État que cet acte traduit, à moins d’un an de l’élection présidentielle.  

L’auteur de la gifle, Damien T., 28 ans, un fan d’histoire médiévale abonné à des sites d’extrême droite, sera jugé jeudi en comparution immédiate, a indiqué mercredi soir le parquet.

Unanimement condamnée par la classe politique comme un geste grave qui porte atteinte à la démocratie, la portée de cette gifle a été rapidement dédramatisée mercredi par l’exécutif.  

Climat tendu autour de sa personnalité

Pas question pour le gouvernement d’y voir un symbole de la « colère » des Français contre M. Macron.  

S’il y a bien « des Français inquiets, qui doutent, qui sont en colère », ils « savent exprimer cela dans le cadre du débat et dans le cadre du vote », assure le porte-parole de l’Élysée Gabriel Attal.

D’autres soutiens du président, comme le patron des députés de la majorité Christophe Castaner y voient justement une preuve de la volonté du chef de l’État, longtemps accusé d’arrogance voire de mépris, d’aller à la rencontre de la population.  

Emmanuel Macron s’est en effet lancé depuis la semaine dernière dans un tour de France des régions françaises pour prendre le pouls du pays après plus d’un an de pandémie.

L’incident replonge en tout cas le président français dans le climat tendu autour de sa personnalité qui régnait avant l’explosion de la COVID-19.  

Réminiscence des « gilets jaunes » 

La crise des « gilets jaunes » qui a poussé fin 2018 des millions de Français dans les rues pendant plusieurs week-ends pour dénoncer la politique du gouvernement en était la principale illustration.  

Des portraits du chef de l’État avaient notamment été brûlés lors des divers défilés et Emmanuel Macron avait connu à l’époque sa plus forte impopularité (20 % d’opinions positives en décembre 2018).

Cette gifle pourrait être le « signe d’un retour de colère extrêmement chaude » qui a été « gelée » par la COVID-19, prévient le politologue Pascal Perrineau.

Un avis partagé par Xavier Bertrand, candidat de droite déclaré pour la présidentielle de 2022 qui estime que M. Macron « n’a jamais pris la mesure de la crise des gilets jaunes.

Une étude de la Fondation Jean-Jaurès avançait en avril que le niveau de détestation d’Emmanuel Macron était le principal facteur d’une éventuelle victoire de la candidate d’extrême droite Marine Le Pen en 2022, outre le rapprochement programmatique entre son parti RN et la droite conservatrice LR et la « dédiabolisation » de l’ancien Front national.   

Quatre émotions dans les sondages

Les auteurs ont relevé à cet égard que les quatre émotions générées par Emmanuel Macron qui ressortent le plus sont toutes négatives : la « colère », le « désespoir », le « dégoût », puis la « honte », rappelant que les émotions jouent un rôle considérable dans les comportements électoraux.

Mais cette gifle traduit également une évolution du débat politique en France.  

Selon Pascal Perrineau, c’est l’illustration qu’il n’y a « plus rien entre le président et des Français en colère », alors que pendant des décennies, le débat politique s’organisait avec des « forces collectives » .

Il y avait des partis politiques, des syndicats, des corps intermédiaires. Là, il n’y a plus rien (…) même plus d’idéologie.

Pascal Perrineau, politologue

 « Quand il n’y a plus d’idéologie, quand il n’y a plus de collectif […] il reste des personnes, des individus, que l’on peut aduler ou détester, et il y a beaucoup de détestation parce que la société française est en colère », souligne-t-il.

La tentation populiste

Faut-il également y voir une polarisation croissante de l’électorat français, de plus en plus tenté par le vote populiste ?

Selon une étude de la Fondapol, un groupe de réflexion se décrivant comme libéral, progressiste et européen, 78 % des Français sont tentés par l’abstention, le vote blanc ou pour un parti considéré comme populiste (de gauche ou de droite) au 1er tour de la présidentielle.

Les données montrent l’étendue du scepticisme dans l’opinion en ce qui concerne la capacité des gouvernants à régler les problèmes. Par conséquent, on ne peut plus opposer aussi simplement la compétence des partis de gouvernement à l’amateurisme des partis populistes.

Extrait d’une étude de la Fondapol

Remontée de Macron dans les sondages

La personnalité de M. Macron reste extrêmement clivante, notamment chez un certain électorat de gauche qui l’accuse de mener des politiques trop libérales. Cependant, le président français effectue toutefois depuis quelques mois une spectaculaire remontée dans les sondages, où il dépasse les 40 % d’opinions positives.

À l’heure où la France retrouve ses bars et restaurants après des mois de confinement, il dépasse d’ailleurs largement les scores de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, moins d’un an avant l’élection présidentielle de 2022 dont il reste le favori selon tous les sondages.