(Londres) Des générations de dirigeants britanniques se sont vantées de la « relation spéciale » entre leur pays et les États-Unis. Avant son premier face-à-face avec Joe Biden, dans un contexte brouillé par le Brexit, Boris Johnson préfère, lui, éviter l’expression.

Le premier ministre britannique reçoit le président américain jeudi en Cornouailles (sud-ouest de l’Angleterre) à la veille d’un Sommet du G7 consacré, entre autres priorités, à la pandémie de coronavirus et à la crise climatique.

Même lorsque le Royaume-Uni était membre de l’UE, Londres s’inspirait déjà de Washington en matière de politique étrangère, et cette connexion entre les deux pays anglophones et apôtres du libre-échange devrait se renforcer maintenant que le Brexit est devenu réalité.

Cependant, Boris Johnson, né à New York, a dit à Joe Biden que l’expression « relation spéciale » lui « déplaisait », selon un portrait que lui a consacré le magazine The Atlantic.

« Pour Johnson, cela donne l’impression d’être en position de faiblesse », selon l’article, alors que Boris Johnson rêve d’un Royaume-Uni rayonnant sur la scène internationale, après avoir claqué la porte de l’UE.

« Le premier ministre a déjà dit qu’il préférait ne pas utiliser cette expression », a récemment déclaré son porte-parole à la presse. Avant d’ajouter : « Mais cela n’enlève en rien l’importance que nous accordons à notre relation avec les États-Unis, qui sont notre plus proche allié. »

Casse-tête nord-irlandais

Pour la Maison-Blanche, l’expression reste valable. Joe Biden « affirmera la force durable de la relation spéciale », avant de souligner les priorités américaines au G7, notamment les valeurs démocratiques communes, le changement climatique et la reprise après la pandémie, selon la porte-parole de la Maison-Blanche Jen Psaki.

Boris Johnson a été le premier dirigeant européen que Joe Biden a appelé après avoir succédé à Donald Trump en janvier.

Même si les accents populistes de Boris Johnson lui ont valu des comparaisons avec Donald Trump, qui ne manquait pas d’éloges à son égard, le dirigeant conservateur est beaucoup plus en phase avec l’administration de Joe Biden sur les grands sujets internationaux.  

Les deux dirigeants affichent une détermination commune à lutter contre la crise climatique, et partagent des positions similaires quant aux défis posés par la Chine et la Russie.

Quelques jours avant le Sommet du G7, Londres a soutenu le projet de taux d’imposition minimal pour les sociétés défendu par Joe Biden, avec une meilleure répartition des recettes fiscales provenant des multinationales, en particulier les géants du numérique.

Des points de crispation persistent cependant sur l’Irlande du Nord, la Maison-Blanche n’appréciant pas les tentatives de Londres de revenir sur ses engagements commerciaux envers l’UE pris dans le cadre du Brexit.  

L’issue des pourparlers qui se tiennent mercredi entre le Royaume-Uni et l’UE sur la province britannique devraient être évoquée le lendemain lors de la rencontre entre Boris Johnson et Joe Biden, prédit Julie Norman, experte en relations internationales à l’University College London.

« Très clair »

La Maison-Blanche a averti le gouvernement britannique que tout accroc à l’accord de paix de 1998 pourrait compromettre la réussite d’un accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni, tant convoité par Johnson.  

L’accord dit du Vendredi saint,  obtenu avec l’implication de l’ancien président américain Bill Clinton, avait mis un terme aux violences entre républicains (majoritairement catholiques) et unionistes (surtout protestants), qui avaient fait quelque 3500 morts en 30 ans en Irlande du Nord.

« Biden a été très clair à ce sujet, avant même d’être élu, affirmant combien il voulait s’assurer que, quoi qu’il arrive, l’accord du Vendredi saint soit protégé », relève Julie Norman, interrogée par l’AFP, expliquant que les propos du président, fier de ses origines irlandaises, s’adressaient « assez clairement à Johnson ».  

Peu importe les termes que Londres et Washington choisissent pour définir leur relation, Julie Norman estime que leur alliance est « forte » : « C’est ce qui compte, quel que soit l’adjectif que nous y attachons. »