L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a annoncé la tenue d’une enquête sur l’atterrissage d’un avion commercial en Biélorussie dimanche dernier, qui a mené à l’arrestation du journaliste Roman Protassevitch. Le vol Athènes-Vilnius avait été intercepté sous prétexte d’une alerte à la bombe.

L’agence des Nations unies, dont le siège est à Montréal, a tenu une réunion d’urgence jeudi en réaction au détournement de l’avion de Ryanair le 23 mai.

Dans un communiqué, l’organisme a « exprimé ses fortes préoccupations sur l’apparent détournement forcé » de l’avion. La Biélorussie est un État membre de l’OACI.

L’OACI n’a pas le pouvoir de restreindre l’espace aérien d’un pays ou de le sanctionner, ayant plutôt pour mandat de favoriser les ententes entre les différentes régions du monde dans le domaine de l’aviation.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Les bureaux de l’Organisation de l’aviation civile internationale, à Montréal

Les conclusions d’une enquête pourraient tout de même avoir des conséquences importantes pour la Biélorussie, croit Mehdi Farashahi, professeur agrégé de gestion à l’Université Concordia. Les transporteurs aériens pourraient refuser de se poser sur son sol, par exemple.

Déjà, de nombreux pays ont recommandé aux transporteurs aériens d’éviter l’espace aérien de la Biélorussie. L’Union européenne a aussi fermé son espace aérien aux avions biélorusses.

« Dans le cas [du vol du 23 mai], si l’interception de l’avion n’est pas due à une menace, mais à la volonté d’arrêter quelqu’un, si ça peut devenir une pratique normale, la question devient sérieuse, ajoute M. Farashahi, spécialiste de l’industrie de l’aviation. Ça veut dire que ça prend des changements dans les règles et les règlements. »

L’incident a suscité des tensions avec la Russie, alliée du dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko. Plusieurs vols européens à destination de Moscou ont été annulés. Un vol d’Air France entre Paris et Moscou a ainsi été annulé vendredi faute de feu vert de la Russie pour un changement d’itinéraire destiné à éviter l’espace aérien biélorusse. Le Kremlin a fait état de « raisons techniques ». Le vol précédent, mercredi dernier, avait connu le même souci.

Alexandre Loukachenko s’est défendu cette semaine d’avoir agi illégalement. Les autorités biélorusses ont parlé de hasard pour expliquer la présence à bord puis l’arrestation de M. Protassevitch et de son amie russe Sofia Sapega.

PHOTO SERGEI SHELEGA, BELTA PHOTO VIA ASSOCIATED PRESS

Le président Alexandre Loukachenko

L’Union européenne, les États-Unis et les opposants au régime croient au contraire que c’était l’intention derrière l’alerte à la bombe. Washington a d’ailleurs confirmé vendredi une série de sanctions contre la Biélorussie.

L’enquête, demandée par plusieurs pays cette semaine, pourrait faire la lumière sur les circonstances de l’arrestation du dissident du régime.

« Normalement, quand les pays disent qu’il y a une menace et que l’avion doit atterrir d’urgence, ils ont des preuves », souligne M. Farashahi.

L’Association du transport aérien international (IATA) a aussi appelé à une enquête internationale indépendante, indiquant soutenir la décision de l’OACI.

Dans un communiqué envoyé par courriel, l’IATA a « condamné fermement » toute interférence dans l’atterrissage d’un avion civil qui ne cadrerait pas avec les règles internationales.