(Varsovie) Dernier rebondissement dans l’affaire du journaliste arrêté en Biélorussie après le détournement de son vol Ryanair au motif d’une alerte à la bombe : l’agence onusienne de l’aviation civile a annoncé jeudi une enquête, et les parents ont lancé un appel à l’aide à la communauté internationale pour le faire libérer.

Il s’agit pour l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), avec cette enquête décidée en réunion d’urgence, de « comprendre s’il y a eu violation du droit international de l’aviation par un État membre de l’OACI ».

L’agence onusienne répondait ainsi à un appel des membres européens du Conseil de sécurité de l’ONU et des États-Unis, qui redoublent de pressions sur le régime biélorusse.

Mais Minsk dispose dans cette affaire du soutien sans faille de son allié russe, dont le chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, a affirmé jeudi que l’Occident devait « cesser de diaboliser ceux qu’il n’aime pas ».

Rencontre avec Poutine vendredi

Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine doivent se rencontrer vendredi en Russie.

« Je veux que vous transmettiez notre demande partout à travers le monde, aux représentants des gouvernements, aux pays de l’UE, aux dirigeants de l’UE, aux dirigeants américains : je crie, je vous en supplie, aidez-moi à libérer mon fils », a lancé de son côté Natalia Protassevitch, la mère du journaliste de 26 ans, lors d’une conférence de presse à Varsovie.

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Roman Protasevich

Roman Protassevitch, incarcéré en Biélorussie après le détournement de son vol Athènes-Vilnius, encourt une lourde peine de prison. Il est accusé par le autorités biélorusses d’avoir organisé des « troubles massifs » lors des manifestations de 2020 contre la réélection de M. Loukachenko.

Les parents du journaliste, eux-mêmes exilés à Varsovie depuis la répression lancée en Biélorussie l’année dernière, restent sans aucun contact avec leur fils depuis son arrestation dimanche à l’aéroport de Minsk.

A Londres, les ministres des Affaires étrangères du G7 ont condamné « avec la plus grande fermeté » l’arrestation du journaliste et de sa compagne et ont exigé leur « libération immédiate et inconditionnelle ».

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Le président biélorusse Alexandre Loukachenko

La mobilisation en faveur de la libération du jeune journaliste ne faiblit pas.

L’organisation Reporters sans frontières (RSF) a organisé jeudi une manifestation à la frontière entre la Lituanie et la Biélorussie, en brandissant des portraits de 21 journalistes emprisonnés dans l’ancienne république soviétique située entre la Russie et l’Union européenne.

Le président biélorusse a suscité l’indignation des Occidentaux en envoyant dimanche un avion de chasse pour intercepter un vol Ryanair reliant Athènes à Vilnius, à bord duquel voyageaient le journaliste dissident et son amie russe Sofia Sapega, qui ont été arrêtés.

Les Vingt-Sept ont riposté en interdisant aux compagnies aériennes biélorusses l’accès à l’Union européenne et en demandant aux transporteurs européens de ne pas survoler son espace aérien.

« Terrorisme d’État »

En détournant l’avion, « le régime biélorusse a commis un acte de terrorisme d’État et doit accepter la responsabilité de ces actions », a déclaré jeudi le premier ministre estonien Kaja Kallas, dont le pays a à son tour interdit son espace aérien aux avions biélorusses.

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a précisé à l’AFP quelles pourraient être les sanctions contre Minsk : les exportations de potasse et le transit du gaz russe, deux importantes sources de revenus pour la Biélorussie, sont deux pistes pour les sanctions économiques étudiées par l’UE.

Alexandre Loukachenko, en opposition frontale avec l’Union européenne et les États-Unis, assure avoir agi « légalement » en détournant le vol. Pour les autorités biélorusses, la présence à bord de Roman Protassevitch et donc son arrestation relevaient du hasard.

Mais Bruxelles, Washington et l’opposition biélorusse affirment que l’alerte à la bombe invoquée pour faire se poser l’avion à Minsk était un subterfuge pour arrêter le journaliste.

La Biélorussie a accusé la France de « piraterie » pour avoir refusé son espace aérien à un avion effectuant une liaison Minsk-Barcelone.

Jeudi, Austrian Airlines a annulé un vol qui devait relier Vienne à Moscou, faute d’avoir reçu le feu vert de la Russie pour un changement d’itinéraire destiné à éviter l’espace aérien de la Biélorussie, a annoncé la compagnie autrichienne.