(Bruxelles) Le laboratoire pharmaceutique AstraZeneca a réfuté mercredi toute « violation » du contrat sur la vente de vaccins anti-COVID-19 aux Européens, comme l’en accuse l’UE qui réclame devant la justice belge des millions d’euros de pénalités pour le non-respect des livraisons prévues.

« Il n’y a eu aucune violation manifeste du contrat. C’est très choquant d’être accusé de fraude », a déclaré Me Hakim Boularbah, avocat du groupe suédo-britannique, devant un juge des référés du tribunal civil de Bruxelles chargé d’arbitrer le litige.

Dans la matinée, Me Rafaël Jeffareli, pour l’Union européenne, a été le premier à lancer l’offensive. Il a accusé le laboratoire d’avoir « détourné 50 millions de doses » vers d’autres pays que ceux de l’UE, en « violation flagrante » du contrat conclu il y a neuf mois.

Cet avocat a réclamé au juge que soient imposés au moins 10 millions d’euros de pénalités ainsi que « dix euros par dose et par jour de retard » si le calendrier de livraison n’est pas respecté.

Au cœur du débat : l’UE reproche à AstraZeneca de ne lui avoir livré au premier trimestre 2021 que 30 millions de doses de son sérum, au lieu des 120 millions promises.

Le sujet est sensible, car les livraisons bien plus réduites que prévu de ce vaccin — un des quatre homologués dans l’UE contre le coronavirus — ont eu pour effet de ralentir les campagnes de vaccination cet hiver.

AstraZeneca s’est défendu en mentionnant ses efforts pour les pays moins développés, notamment pour l’Inde, rappelant que la vaccination dans l’UE était plus avancée que dans d’autres régions frappées par la pandémie.

L’urgence est ailleurs

« L’urgence aujourd’hui ce n’est plus tellement la vaccination de l’Europe, c’est celle de la population mondiale », a affirmé Me Boularbah.

Les discussions devant la justice belge (le contrat signé est de droit belge) ont tourné aussi autour de l’interprétation de la notion de « meilleurs efforts raisonnables » pour satisfaire le client, en l’occurrence les pays de l’UE.

Le bloc européen estime, à l’inverse du laboratoire, que ces efforts n’ont pas été déployés par ce dernier, qui aurait trop longtemps privilégié l’approvisionnement du Royaume-Uni au détriment du marché continental.

Me Jeffareli a déploré le fait que pendant plusieurs semaines après l’accord de préachat, l’usine néerlandaise d’AstraZeneca (exploitée par son sous-traitant Halix) avait continué d’alimenter d’autres marchés que celui de l’UE.

« Les meilleurs efforts raisonnables, ça implique une flexibilité ! Pourquoi le basculement du site d’Halix (vers l’approvisionnement de l’UE) n’a commencé que le 13 octobre ? », a lancé l’avocat.

« AstraZeneca n’a même pas utilisé la totalité des outils qui étaient à sa disposition », a-t-il ajouté, en assurant que le groupe pouvait à l’époque mobiliser « six sites de production pour respecter le calendrier fixé » y compris ses deux implantations britanniques.

L’usine d’Halix, à Leiden aux Pays-Bas, aurait également approvisionné le Japon à la fin de l’an dernier, selon Me Jeffareli.

Après l’échec d’une tentative de règlement à l’amiable, la Commission européenne avait annoncé le 26 avril avoir saisi la justice pour faire reconnaître ses droits.

Dans un premier temps, devant un juge des référés (saisi en urgence), les 27 pays membres réclament de recevoir les doses promises pour le premier trimestre.

« On fera de notre mieux »

L’échéance du contrat a été fixée à mi-juin, selon la Commission.

Outre le retard reproché au 1er trimestre, AstraZeneca s’expose aussi à des pénalités si les engagements pour le second ne sont pas remplis. Il est censé fournir aux Vingt-Sept sur avril-mai-juin 180 millions de doses.

La promesse de livrer 300 millions de doses au total sera tenue, a souligné Me Boularbah, en affirmant que « le contrat ne prévoit pas de délais contraignants ».

Les conseils du laboratoire ont rappelé que, dès 2020, la Commission avait été prévenue des difficultés de « rendement » dans certaines usines européennes.

Le vaccin a été développé en quelques mois, à une vitesse « inédite », et en termes de fabrication le contexte était particulièrement « incertain », a aussi plaidé Me Boularbah.

Fin janvier le patron d’AstraZeneca, Pascal Soriot, avait pointé du doigt les retards pris par des partenaires du groupe devant « apprendre » le processus de production.

Le dirigeant franco-australien avait aussi livré sa vision des « meilleurs efforts raisonnables ». « On a dit : on fera de notre mieux, sans garantie de réussir », avait-il affirmé.

À l’issue des plaidoiries, le juge a fixé une audience supplémentaire au 4 juin pour lui permettre d’interroger les parties si besoin. La décision devrait ensuite être mise en délibéré. L’UE a dit espérer un jugement « d’ici à fin juin ».