(Moscou) L’opposant russe emprisonné Alexeï Navalny a dit mardi être visé par trois enquêtes criminelles, la pression s’accentuant depuis plusieurs semaines contre son mouvement et ses partisans.

Sur son compte Instagram, il a indiqué être accusé du détournement de « toutes les donations » faites à son organisation anticorruption, le FBK, de la création d’un groupe « portant atteinte aux droits des personnes » et d’insulte envers une juge lors d’un récent procès.

L’opposant de 44 ans affirme avoir reçu la visite dans sa cellule d’un inspecteur du puissant Comité d’enquête, organe chargé des principales investigations criminelles.

« Il m’a dit que dans notre chère Russie, on enquête sur trois nouvelles graves affaires. Et 21 enquêteurs s’en occupent au plus haut niveau. Et pour chacune d’entre elles, le criminel, c’est moi », a ironisé le militant.

La semaine dernière, le directeur du FBK Ivan Jdanov avait indiqué que de nombreux collaborateurs et ex-employés du mouvement avaient été convoqués, les autorités cherchant à « ajouter à Navalny jusqu’à 10 ans » de prison.

Cette annonce intervient alors que la justice russe examine une demande pour déclarer « extrémistes » le FBK et les bureaux régionaux de M. Navalny, ce qui exposerait leurs collaborateurs à de lourdes peines.

À l’approche d’élections législatives en septembre, la chambre basse du Parlement a en outre adopté mardi en deuxième lecture une loi interdisant aux personnes impliquées dans des organisations « extrémistes » d’être élues députés, et donc de participer à ce scrutin.

L’équipe d’Alexeï Navalny dénonce des manœuvres visant à priver d’élections ses partisans, à une période où la popularité du parti au pouvoir, Russie Unie, décline face à la stagnation économique et aux scandales de corruption.  

Ces dernières années, Russie Unie a connu plusieurs revers inhabituels à des scrutins locaux, et le détracteur numéro 1 du Kremlin comptait s’appuyer sur cette impopularité en présentant ses candidats ou en incitant à voter pour le candidat le mieux placé face à celui du Kremlin.

« Génie » de la pègre

« Ma puissante organisation criminelle prend de l’ampleur. Je commets de plus en plus de crimes », a encore ironisé mardi M. Navalny, se vantant d’être « un génie » de la pègre.

Emprisonné en janvier à son retour d’Allemagne où il se remettait d’un grave empoisonnement dont il accuse le Kremlin, l’opposant a été condamné à deux ans et demi de prison pour une affaire de fraude datant de 2014 et dénoncée comme montée de toutes pièces.

M. Navalny purge depuis sa peine dans une prison de la région de Vladimir, à une centaine de kilomètres de Moscou, où il a tenu en avril une grève de la faim pour dénoncer ses conditions de détention.

Mercredi, une audience doit avoir lieu à la suite de plusieurs de ses plaintes contre l’administration pénitentiaire. Il pourrait participer par visioconférence.

Depuis son arrestation, suivie de manifestations réprimées par la police, les autorités ont entamé le démantèlement de son mouvement, dont plusieurs cadres ont fui à l’étranger.

Selon le Parquet russe, les organisations de M. Navalny cherchent à « déstabiliser » la situation sociopolitique en Russie « sous couvert de slogans libéraux ».  

Si elles sont reconnues « extrémistes », elles rejoindront une liste comptant les Témoins de Jéhovah et des groupes néonazis.

Les bureaux régionaux de M. Navalny ont déjà annoncé leur autodissolution en avril, après avoir été ajoutés à une liste d’organisations « extrémistes et terroristes » établie par le service russe des renseignements financiers.

Fondé en 2011, le FBK est la principale organisation d’Alexeï Navalny et s’est fait connaître par ses enquêtes dénonçant la corruption des cercles du pouvoir russe.

La plus retentissante, parue en janvier, accusait le président Vladimir Poutine de bénéficier d’un opulent « palais » sur les rives de la mer Noire. Vue 116 millions de fois sur YouTube, elle avait contraint M. Poutine à démentir personnellement.