(Paris) Elu sur un programme centriste en 2017, le président français Emmanuel Macron a mené son quinquennat plutôt à droite. Une stratégie qu’il devrait confirmer pendant la campagne présidentielle pour 2022 où il vise une réélection, mais qui n’est pas sans risque.  

Pour l’heure, tous les sondages prédisent une qualification d’Emmanuel Macron pour le second tour, où il affronterait la cheffe de l’extrême droite Marine Le Pen, dans un remake de 2017.

Mais la confortable avance dont il disposait il y a quatre ans (32 points) a fondu, et le match promet d’être serré cette fois.  

Macron abandonnera-t-il le crédo « ni droite ni gauche » qui lui avait permis de devenir le plus jeune chef de l’État français depuis Napoléon ?

Tout semble l’indiquer. À commencer par les élections régionales de juin, où son parti soutiendra les candidats conservateurs des Républicains dans le sud-est de la France.  

Face à une gauche divisée et historiquement basse dans les sondages, « il sait bien que le danger vient de la droite et fait tout pour essayer de la diviser », explique Gaël Sliman, président de l’institut de sondage Odoxa.

Ses deux premiers ministres, Édouard Philippe (2017-2020) puis Jean Castex sont par ailleurs tous deux issus des rangs de la droite, tout comme plusieurs ministres clés.  

La manœuvre semble porter ses fruits : Christian Estrosi et Hubert Falco, maires de droite de Nice et Toulon (sud-est) ont annoncé qu’ils quittaient les Républicains pour se rapprocher du parti présidentiel.  

La droite est par ailleurs profondément divisée entre une ligne conservatrice et une ligne plutôt modérée incarnée par le président de la région Hauts-de-France (nord), Xavier Bertrand.

« C’est jouer avec le feu » et « un danger mortel », car, « en instituant Marine Le Pen comme seule opposante, il met en place les conditions objectives de la victoire de l’extrême droite », accuse ce dernier, dont la campagne de centre droit de Macron vient directement marcher sur les plates-bandes.  

Priorité sécurité

La France — qui n’a eu que deux présidents de gauche depuis 1945 — est-elle un pays de droite ? Un sondage du groupe de réflexion Fondapol tend à accréditer cette thèse puisque 38 % des électeurs se situent à droite de l’échiquier politique (contre 33 % en 2017), et seulement 24 % à gauche (contre 25 % en 2017).  

Dans cette étude européenne, les Français sont particulièrement réfractaires à l’ouverture sur le plan migratoire et une majorité d’entre eux (62 %) estiment que l’islam constitue une menace pour la République.  

Si Macron avait été élu en 2017 avec une bonne proportion d’électeurs de gauche, il devrait cette fois pouvoir compter sur un réservoir de voix de droite.  

Il a d’ailleurs fait évoluer son discours sur les questions de sécurité, en adoptant une ligne plus dure, alors que les sondages montrent que la question est l’une des préoccupations majeures des électeurs.

« Je me bats pour le droit à la vie paisible », avait-il assuré en avril dernier.

La France a été particulièrement secouée par une série d’attaques islamistes ces dernières années, comme l’assassinat du professeur Samuel Paty en octobre 2020, décapité après avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves.  

Et au-delà des attentats, plusieurs faits divers obligent le président à réagir, à l’image de l’assassinat d’un policier à Avignon la semaine dernière dans une opération antidrogue.  

Perdre la gauche

La tactique de Macron suppose toutefois d’assumer de perdre tout ou partie de l’électorat de gauche, qui l’a déjà estampillé « président des riches » pour sa politique de baisses d’impôts pour les plus aisés et de réforme du système de retraites.  

« Plus il fait ça plus il donne le sentiment aux électeurs de gauche qu’il est un président de droite.. et donc ça devient très compliqué ensuite de les appeler à voter pour lui au second tour, s’il affrontait Marine Le Pen comme la dernière fois », explique Gaël Sliman.

L’institut Jean Jaurès prévient que Macron pourrait devenir un repoussoir pour l’électorat de gauche qui ne se précipiterait pas forcément pour le soutenir, même face à Marine Le Pen.  

La gestion de la pandémie de la COVID-19, jugée parfois erratique, ajoute également un peu d’incertitude à cette élection.  

Ces six derniers mois, près de deux Français sur trois — un chiffre stable — jugent sévèrement sa politique sanitaire, selon des sondages Odoxa.

Mais si les électeurs critiquent la lenteur de la stratégie vaccinale, ils approuvent toutefois majoritairement sa politique de soutien aux entreprises et aux salariés affectés par la crise, à grand renfort d’argent public.  

« Avec la crise, le collectif est devenu la priorité. Emmanuel Macron doit donc réussir sa mue de “candidat de l’émancipation” en 2017 en “président-candidat protecteur” s’il veut l’emporter l’an prochain », résume un responsable de la majorité.