(Madrid) L’Espagne a levé dans la nuit de samedi à dimanche l’état d’urgence sanitaire en vigueur depuis octobre, permettant à ses habitants de sortir de leur région pour changer d’air ou retrouver des proches qu’ils n’avaient pas vus depuis des mois.

« J’en avais trop marre de ne pas pouvoir sortir » de la région de Madrid, « je me sentais frustrée, attachée, sans liberté », a dit samedi à l’AFP Blanca Valls, créatrice de bijoux de 46 ans, qui ira le week-end prochain en Galice (nord-ouest) pour un anniversaire et espère aller bientôt à la plage.

Argentina Enriquez, étudiante mexicaine de 37 ans, est, elle, « impatiente » de pouvoir enfin partir vendredi à la campagne, « faire un barbecue avec des amis, jouer de la guitare, se balader ». « Être ensemble », lance-t-elle avec « beaucoup d’émotion ».

À part à Noël où les restrictions avaient été assouplies durant quelques jours pour permettre les réunions familiales, les Espagnols n’ont pas pu quitter leur région depuis le début de l’état d’urgence fin octobre.

Dissuadées par l’explosion des cas ayant suivi Noël, les autorités avaient maintenu les bouclages de régions pour la Semaine sainte, fête familiale fondamentale en Espagne.

Ces bouclages ont été particulièrement mal vécus par les Espagnols, empêchés d’aller voir leur famille dans une autre région alors que le pays restait ouvert aux touristes étrangers.

Casse-tête juridique

Vent de liberté pour les Espagnols, la levée de l’état d’urgence à 0 h est en revanche un véritable casse-tête pour les régions, compétentes en matière de gestion de la crise sanitaire.

Car, depuis octobre, elles avaient pu imposer des couvre-feux et bloquer l’entrée ou la sortie de leur territoire sans avoir besoin de l’autorisation de la justice, grâce à la limitation des libertés fondamentales permise par ce régime d’exception.

Si elle est synonyme de levée du couvre-feu et d’ouverture des régions, la fin de l’état d’urgence ne signifie toutefois pas la fin des restrictions dans l’un des pays les plus touchés en Europe par la pandémie avec près de 79 000 morts et 3,5 millions de cas.  

Les 17 communautés autonomes peuvent, par exemple, toujours limiter les horaires ou la capacité d’accueil des bars, des restaurants ou des commerces.  

Elles peuvent aussi demander le rétablissement d’un couvre-feu ou le bouclage de leur territoire, mais ont désormais besoin pour cela de l’aval d’un tribunal.  

Et c’est là que commence le casse-tête.  

Si l’archipel touristique des Baléares ou la région de Valence ont obtenu le feu vert pour conserver un couvre-feu, le Pays basque (nord), l’une des régions les plus touchées du pays par la pandémie, a vu sa demande de bouclage de la région et de couvre-feu rejetée par la justice.

Au début de l’automne, lorsque le régime d’exception n’était pas encore en place, des tribunaux avaient invalidé des mesures anti-COVID-19 prises par des régions, créant la confusion et amenant le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez à décréter l’état d’urgence.

Plusieurs régions avaient mis la pression ces dernières semaines sur l’exécutif pour qu’il prolonge l’état d’urgence, mais celui-ci a refusé, arguant qu’il ne pouvait faire durer indéfiniment un régime d’exception et mettant en avant l’amélioration de la situation sanitaire et l’avancée du programme de vaccination.

Pour tenter de les amadouer, le gouvernement a permis aux régions de faire appel devant le Tribunal suprême, la plus haute juridiction espagnole, si des tribunaux locaux retoquent leurs mesures.  

Sur un plan plus politique, une prolongation de l’état d’urgence aurait dû être approuvée par le Parlement où le gouvernement est minoritaire.

Mise en garde des autorités

Alors que la météo est clémente, les autorités ont mis en garde la population, fatiguée par plus d’un an de restrictions, contre le risque d’un relâchement excessif.  

Il faut éviter d’avoir « une fausse perception […] Cela ne veut pas dire la fin des mesures de contrôle » de l’épidémie, a insisté jeudi l’épidémiologiste en chef du ministère de la Santé, Fernando Simon.

« Les gens doivent comprendre qu’ils doivent continuer à appliquer les mesures qui dépendent de chacun d’entre nous », a-t-il ajouté car « on ne peut rien exclure en terme d’évolution de la pandémie ».