(Paris) Après l’assassinat d’une fonctionnaire de police vendredi à Rambouillet, près de Paris, les enquêteurs doivent retracer le parcours de l’assaillant. Il s’agit d’un Tunisien inconnu des services de renseignement, mais dont l’attaque répond aux mots d’ordre djihadistes.

Jamel G., âgé de 36 ans, a asséné deux coups de couteau mortels à la gorge d’une fonctionnaire de police, Stéphanie, 49 ans, vers 14 h 20 (8 h 20 heure du Québec) dans l’entrée du commissariat de Rambouillet.

« Allah Akbar ! »

Son geste rappelle de nouveau la menace constante en France d’un attentat commis avec une simple arme blanche. Selon des témoins, il aurait alors crié « Allah Akbar ».

L’assaillant, touché par les tirs d’un policier, est mort sur place.

PHOTO BERTRAND GUAY, AGENCE FRANCE-PRESSE

La fonctionnaire administrative, âgée de 49 ans, rentrait de sa pause déjeuner quand son assaillant tunisien lui a porté deux coups de couteau à la gorge.

Le parquet national antiterroriste s’est saisi du dossier en raison « des éléments de repérage », l’occupation de la victime — une fonctionnaire de police — et les « propos tenus par l’auteur lors de la réalisation des faits », a expliqué le procureur Jean-François Ricard.  

Selon le parquet antiterroriste, l’assaillant, né en Tunisie, était arrivé en France en 2009.  

« Il avait bénéficié en 2019 d’une autorisation exceptionnelle de séjour salarié, puis d’une carte de séjour en décembre 2020, valable jusqu’en décembre 2021 », a précisé le parquet antiterroriste.

Mère de deux filles

La fonctionnaire, qui n’était pas armée, est décédée sur place, malgré l’intervention des secouristes. Elle travaillait à Rambouillet depuis 28 ans et était mère de deux filles, âgées de 18 et 13 ans.

Le premier ministre Jean Castex a dénoncé sur Twitter un « geste barbare et d’une infinie lâcheté » contre « une héroïne du quotidien ». Il s’est rendu sur place avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Inconnu des services de renseignement et de la justice, Jamel G. vivait à Rambouillet, ville tranquille de près de 26 000 habitants, au sud-ouest de Paris.  

Selon un proche de sa famille en Tunisie interrogé par l’AFP, il habitait chez sa tante et avait au moins deux frères, dont un jumeau.

PHOTO MICHEL EULER, ASSOCIATED PRESS

Des policiers ont érigé un périmètre de sécurité autour du poste de police de Rambouillet, où une femme a été assassinée. La fonctionnaire administrative, âgée de 48 ans, rentrait de sa pause déjeuner quand son assaillant tunisien lui a porté deux coups de couteau à la gorge.

Sur sa page Facebook, le trentenaire, aux cheveux plutôt courts comme sa barbe, écrit être originaire de M’saken, ville de 60 000 habitants sur la côte est de la Tunisie.  

Cerner son profil

Jusqu’en 2020, ses posts publics sont quasiment exclusivement consacrés à la défense de la communauté musulmane, la lutte contre l’islamophobie ou les propos du polémiste Eric Zemmour.

Mais à partir d’avril 2020, au moment du confinement, il ne publie plus que de pieuses prières et des versets coraniques. Quelques jours après l’assassinat du professeur Samuel Paty par un islamiste en octobre 2020, il change sa photo de profil et rejoint une campagne intitulée « Respectez Mohamed prophète de Dieu ».

Un ancien voisin, interrogé par l’AFP, qui ne l’avait plus vu depuis deux ou trois ans, l’a décrit comme un musulman « pas pratiquant ». Célibataire, il vivait seul et travaillait dans le bâtiment, selon lui.

Les enquêteurs de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), chargés des investigations, vont multiplier les auditions parmi ses relations, connaissances, collègues ou sa famille pour cerner son profil.  

Trois personnes de l’entourage de Jamel G., dont l’homme qui l’a accueilli à son arrivée en France, ont été placées en garde à vue vendredi en fin d’après-midi, une pratique systématique de l’antiterrorisme après chaque attentat, qui n’entraîne pas nécessairement de poursuites.

Le domicile de son logeur, situé dans le Val-de-Marne a été perquisitionné, tout comme le logement qu’occupait l’assassin.

L’enquête, ouverte par le parquet antiterroriste pour « assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste », doit également déterminer si Jamel G. a bénéficié d’un soutien, matériel ou idéologique.

À défaut, son attaque s’inscrirait dans la menace la plus redoutée par les services : celles d’individus isolés, souvent inconnus du renseignement, présents sur le territoire national et qui, inspirés par la propagande djihadiste, commettent des attaques à l’arme blanche nécessitant une faible préparation.

L’attaque de Rambouillet, dont le mode opératoire correspond aux appels récurrents du groupe État islamique (EI) à s’attaquer aux forces de l’ordre, n’a pas pour l’heure été revendiquée.

3e attentat meurtrier dans ce département

Ce drame survient alors que les forces de police du département où a eu lieu l’attaque, les Yvelines, ont en mémoire le souvenir douloureux de l’assassinat d’un couple de fonctionnaires de police, tué à coups de couteau en juin 2016 dans son pavillon de Magnanville, par un homme se revendiquant de l’organisation État islamique.

Le 16 octobre 2020, le même département avait été marqué par l’attaque au couteau d’un professeur de collège, Samuel Paty, assassiné et décapité par un jeune homme de 18 ans originaire de la république russe de Tchétchénie.

Après l’attaque de Rambouillet, Gérald Darmanin a demandé aux préfets de renforcer la sécurité aux abords des commissariats et des brigades de gendarmerie, « notamment s’agissant des accueils ».

Les forces de l’ordre figurent parmi les objectifs récurrents des organisations djihadistes, dont le groupe État islamique (EI), alors que la France a été touchée ces dernières années par une vague d’attentats islamistes sans précédent qui a fait plus de 250 morts.

Le 3 octobre 2019, dans l’enceinte de la préfecture de police de Paris, un employé avait tué à coups de couteau trois policiers et un agent administratif, avant d’être abattu. L’assaillant, récemment converti à l’islam, était un informaticien, rattaché à la direction du renseignement.