(Kiev) Le président ukrainien a appelé mardi Vladimir Poutine à le rencontrer dans la zone de conflit avec les séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, pour éviter « une guerre » russo-ukrainienne.

La Russie a massé ces dernières semaines des dizaines de milliers de troupes à la frontière ukrainienne et en Crimée annexée, faisant craindre à Kiev et à l’Occident une opération militaire majeure.

« Monsieur Poutine ! Je suis prêt […] à vous proposer de me rencontrer dans n’importe quel endroit du Donbass ukrainien », a déclaré en russe le chef d’État ukrainien Volodymyr Zelensky dans un discours à la Nation.  

PHOTO ALEXEI DRUZHININ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le président Vladimir Poutine.

« Le président russe a dit un jour : si une bagarre est inévitable, il faut attaquer le premier. Mais, à mon avis, chaque leader doit comprendre qu’une bagarre ne peut être inévitable quand il s’agit […] d’une vraie guerre et de millions de vies », a-t-il poursuivi.  

Il n’est pas encore « trop tard », a souligné M. Zelensky, assurant ne pas vouloir d’une guerre mais que l’Ukraine y était « prête ».  

« Nous n’avons pas peur car nous avons une armée et des défenseurs incroyables », a-t-il martelé, en ukrainien.

« Nous ne détruisons pas d’autres terres et peuples. Mais cela ne veut pas dire que nous permettrons de nous détruire », a-t-il ajouté.

Avant cette allocution de M. Zelensky, l’Ukraine avait souligné que des « progrès significatifs » avaient été faits au cours de négociations lundi et mardi sur la reprise de la trêve dans l’est de l’Ukraine, théâtre depuis 2014 d’un conflit entre forces ukrainiennes et séparatistes prorusses.

Mais, selon le président ukrainien, la Russie a finalement refusé de soutenir une déclaration commune.

Moscou est largement considérée, malgré ses dénégations, comme le parrain politique, militaire et financier des séparatistes qui combattent depuis sept ans les forces ukrainiennes.

PHOTO SERVICE DE PRESSE DE L’ARMÉE UKRAINIENNE, VIA REUTERS

Des tanks de l’armée ukrainienne durant un exercice militaire dans un lieu non divulgué. La photo a été diffusée par le commandement ukrainien le 20 avril 2021.

M. Zelensky a dit à plusieurs reprises avoir demandé à parler depuis fin mars à M. Poutine, mais le Kremlin a assuré ne pas avoir reçu de telle requête.  

Le président ukrainien a également appelé vendredi à Paris, après des négociations avec son homologue français Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel, les médiateurs dans le conflit, à organiser un sommet à quatre avec Vladimir Poutine. Le dernier du type a eu lieu en décembre 2019.

Tension sur le front

Sur la ligne de front, la tension ne baissait pas, des civils disant craindre une reprise massive des combats.

« Ce matin, ça a tiré à nouveau très fortement », a déploré auprès de l’AFP Ioulia Ievtchenko, une mère de quatre enfants dont l’appartement à Krasnogorivka, une petite localité sous le contrôle des forces gouvernementales, se trouve dans un immeuble fortement endommagé par de précédents bombardements.

PHOTO ALEKSEY FILIPPOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Ioulia Ievtchenko tient son fils d’un an en faisant un thé tout en parlant à un journaliste de l’AFP. Cette mère de quatre enfants habite un appartement dans un bâtiment fortement endommagé par des bombardements antérieurs, à Krasnogorivka.

Ioulia Ievtchenko tient son fils d’un an en faisant un thé tout en parlant à un journaliste de l’AFP. Cette mère de quatre enfants habite un appartement dans un bâtiment fortement endommagé par des bombardements antérieurs à Krasnogorivka.

« On avait une trêve et maintenant c’est à nouveau la guerre », raconte cette femme de 27 ans, avec son fils âgé d’un an dans les bras. « Je vois comment on tire, tous ces chars et blindés de la Russie. On a peur » et « on n’a pas où aller », ajoute-t-elle.

À quelques kilomètres de là, Taras, un militaire ukrainien de 24 ans, est posté en périphérie de Donetsk, une des « capitales » des séparatistes.

« Cela fait huit ans qu’on tente de mettre fin à la guerre par la voie diplomatique et on n’y arrive pas », regrette-t-il. « Il n’y a que deux options : reprendre nos territoires ou entrer dans l’OTAN », estime-t-il.

Près de lui, un autre militaire, Ivan, 25 ans, observe des positions des rebelles prorusses situées à seulement 200 mètres. « Nous ne préparons pas d’offensive », mais « je vois comment ils aménagent leurs vieux abris qu’ils n’utilisaient pas avant », souligne le jeune homme.

PHOTO ALEKSEY FILIPPOV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Malgré des « progrès significatifs » dans les pourparlers, la tension demeure vive sur la ligne de front. Ci-haut un militaire ukrainien portant un périscope s’approche du rebord d’une tranchée pour observer les positions des rebelles prorusses près du village de Marinka, dans la région du Donetsk, dans l’est de l’Ukraine.

Accrochages fréquents

Après une trêve largement respectée pendant la deuxième moitié de 2020, les heurts se sont multipliés depuis le début de l’année entre les forces de Kiev et les séparatistes, dont la Russie est largement considérée comme le parrain militaire et financier.

Parallèlement, les tensions se sont accrues avec Moscou qui a déployé ces dernières semaines des dizaines de milliers de soldats près de la frontière ukrainienne, faisant craindre à Kiev une opération militaire d’ampleur.

Des tanks de l’armée ukrainienne durant un exercice militaire dans un lieu non divulgué. La photo a été diffusée par le commandement ukrainien le 20 avril 2021.

La réunion « d’urgence » de mardi, à laquelle ont participé des représentants ukrainiens, russes et des séparatistes sous la médiation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), fait suite aux autres pourparlers en ligne, la veille entre des conseillers des dirigeants ukrainien, russe, allemand et français.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait dit espérer que ces négociations permettraient une reprise de la trêve, à l’issue d’un sommet vendredi avec son homologue français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel.

L’Ukraine accuse la Russie de chercher à la « détruire », tandis que Moscou a assuré « ne menacer personne » tout en dénonçant des « provocations » ukrainiennes.

La guerre dans l’est de l’Ukraine a fait plus de 13 000 morts depuis son déclenchement en 2014, dans la foulée de l’annexion de la Crimée par Moscou.