(Sarajevo) L’ancien général de l’armée bosnienne et symbole du siège de Sarajevo, Jovan Divjak, est décédé jeudi dans la capitale bosnienne à l’âge de 84 ans, a annoncé une association qu’il dirigeait.

Partisan d’une Bosnie multiethnique et citoyenne, Jovan Divjak est décédé « après une longue maladie », a indiqué dans un communiqué l’association « L’Éducation construit la Bosnie-Herzégovine » qu’il a fondée en 1994 pour octroyer des bourses d’études à des orphelins de la guerre intercommunautaire (1992-95, 100 000 morts).

Quand la guerre fond sur Sarajevo en avril 1992, Divjak, retraité de l’armée yougoslave, y est officier de la défense territoriale en Bosnie.

Sa décision immédiate de se placer dans le camp des défenseurs de Sarajevo, face aux forces serbes, illustrait « une volonté de dire qu’on ne peut pas être exclusivement membre d’un peuple », avait-il déclaré en 2017 dans une interview à l’AFP.

Cette décision, il l’avait prise il y a 29 ans jour pour jour, le 8 avril 1992, au début du siège de Sarajevo qui allait durer plus de trois ans et demi.

Divjak venait d’une famille serbe de Bosnie. Fils d’instituteur nomade, il naît à Belgrade. Il avait rejoint l’armée populaire yougoslave (JNA) après avoir fait une académie militaire.

Pour ce militaire, considéré comme un « traitre » par de nombreux Serbes, qui s’était installé à Sarajevo avec sa famille en 1966, il n’y avait rien de plus logique que de « rester avec le peuple de Sarajevo ».

« L’idée d’une armée bosnienne multiethnique m’avait conquis », avait-il raconté à l’AFP. Cette armée était toutefois essentiellement composée de Bosniaques (musulmans) qui combattaient les forces serbes et croates de Bosnie.

Mais déçu par des funérailles grandioses organisées après le conflit pour Musan Topalovic « Caco », voyou de Sarajevo soupçonné d’avoir sommairement exécuté des Serbes, il a renoncé en 1999 à son grade de général.

Il s’était alors entièrement consacré au travail de son association qui a octroyé des milliers de bourses aux orphelins des trois communautés et également aux enfants de familles démunies.

Il a été décoré en 2001 de la Légion d’honneur par la France, pour « son sens civique, son refus des préjugés et de la discrimination ethnique ».

Jovan Divjak vivait sous la menace d’un mandat d’arrêt lancé par Belgrade (qui lui avait valu une arrestation à Vienne en 2011), pour l’attaque à Sarajevo d’une colonne de l’armée yougoslave qui se retirait en mai 1992.

Il expliquait avoir au contraire ordonné l’arrêt des tirs, comme semblent l’accréditer les images télévisées de l’époque.

Il se déclarait « Bosnien », à savoir un des 3 % des citoyens de ce pays divisé de 3,5 millions d’habitants qui refusent de se définir comme Croates (catholiques), Serbes (orthodoxes) ou Bosniaques (musulmans).

Ils sont les « autres », catégorie statistique ultraminoritaire, mais dépositaire de l’héritage multiculturel de Sarajevo.