(Kiev) Le président ukrainien a appelé mardi l’OTAN à accélérer l’adhésion de son pays afin d’envoyer un « vrai signal » à la Russie, qui a aussitôt protesté sur fond de tensions croissantes autour de l’Est séparatiste de l’Ukraine.

Une entrée de l’Ukraine dans l’Alliance atlantique, considérée comme un adversaire stratégique par Moscou, est depuis des années un chiffon rouge pour le Kremlin qui considère l’élargissement à l’est de l’OTAN comme une menace.  

« L’OTAN, c’est la seule voie vers la fin de la guerre dans le Donbass », territoire de l’Est ukrainien en proie à un conflit avec des séparatistes prorusses, a écrit le président Volodymyr Zelensky dans un tweet adressé au secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, après leur entretien téléphonique.

Cet échange intervient après la mort de quatre soldats dans des heurts sur le front ces dernières 48 heures, selon l’armée ukrainienne.

M. Zelensky a promis d’avancer dans les réformes de l’armée réclamées par l’OTAN, soulignant que « les réformes seules n’arrêteront pas la Russie ».  

Pour lui, « le Plan d’action pour l’adhésion sera un vrai signal à l’égard de la Russie ».

En réponse, le Kremlin a jugé qu’une telle démarche aggraverait le conflit avec les séparatistes dont la Russie, malgré ses dénégations, est considérée comme le parrain.  

« De notre point de vue, cela fera encore empirer la situation », a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.  

« Porte ouverte »

M. Stoltenberg a exprimé de son côté sur Twitter sa « vive préoccupation concernant les activités militaires de la Russie en Ukraine », faisant écho aux inquiétudes des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Union européenne.  

« Nous appelons la Russie à rendre ses intentions plus claires quant à toute cette masse de forces le long de la frontière », a déclaré mardi le porte-parole du Pentagone, John Kirby.

Mais un responsable de l’Alliance atlantique a douché les espoirs ukrainiens d’une accession accélérée, disant sous couvert d’anonymat à l’AFP que Kiev devait « se concentrer sur (ses) réformes » et renforcer ses capacités de défense « conformément aux normes de l’OTAN ».

Un point de vue partagé aux États-Unis. « Nous continuons à appeler le gouvernement ukrainien à mettre en place dans un délai raisonnable les réformes profondes et généralisées nécessaires pour construire un pays plus stable, démocratique, prospère et libre », a dit le porte-parole du département d’État, Ned Price.

Il a toutefois souligné que le gouvernement américain soutenait la politique de la « porte ouverte » de l’OTAN et « le droit de chaque pays souverain de choisir » s’il intègre l’Alliance.

Les propos de M. Zelensky interviennent en pleine tension russo-ukrainienne, Kiev accusant la Russie de masser des soldats et du matériel à ses frontières, ainsi que dans la péninsule de Crimée annexée par Moscou en 2014.

Les autorités russes affirment que ces mouvements de troupes n’ont rien de menaçant et accusent Kiev d’être responsable des heurts sur le front.

Ces échanges verbaux musclés et la multiplication des affrontements cette année avec les séparatistes prorusses ont mis fin à une trêve qui avait été relativement respectée durant la deuxième moitié de 2020.

Observateurs et diplomates disent craindre une escalade du conflit qui a débuté en 2014, l’Ukraine annonçant des pertes humaines presque tous les jours ces derniers temps.

Huit soldats sont morts depuis le 26 mars, selon M. Zelensky, contre 50 pour l’ensemble de 2020.

Sur les positions ukrainiennes près d’Avdiïvka, à quelques kilomètres de la ville séparatiste de Donetsk, des militaires ukrainiens ont déclaré à l’AFP être prêts à riposter en cas d’attaque.  

« On les défoncera. Reculer n’est pas une option », a lancé le sergent Vitaly — nom de guerre Mahmoud —, un barbu de 35 ans.  

« Restaurer l’URSS »

Pour lui, les Occidentaux doivent être vigilants face au président russe Vladimir Poutine qui « veut restaurer l’URSS, l’Ukraine seule ne lui suffira pas ».

« Avant, ça ne tirait presque pas », maintenant « ils tentent systématiquement de détruire nos positions » avec des bombardements pour « nous démoraliser, nous intimider », commente son camarade Volodymyr, 26 ans.  

L’Ukraine et la Géorgie, deux ex-républiques soviétiques, espéraient déjà rejoindre le plan d’action pour l’adhésion lors d’un sommet de l’Alliance en 2008 à Bucarest, mais plusieurs capitales occidentales, notamment Paris et Berlin, ont préféré ne pas soutenir cette idée pour ménager la Russie.  

Trois mois plus tard, une guerre éclair éclatait entre la Géorgie et la Russie, se soldant par une défaite de Tbilissi.  

En 2014, Moscou a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée, après une révolution pro-occidentale en Ukraine.  

Quelques semaines plus tard, l’Est du pays s’est retrouvé en proie à la guerre avec des séparatistes prorusses, qui a fait depuis plus de 13 000 morts et près d’1,5 million de déplacés.