La commissaire européenne Ylva Johansson a appelé lundi, de l’île grecque de Lesbos, la « Turquie à réadmettre d’urgence les migrants » renvoyés de Grèce, assurant par ailleurs que l’Union européenne allait allouer 276 millions d’euros à la construction de nouveaux camps d’accueil en mer Égée.  

La commissaire européenne aux Affaires intérieures chargée des migrations s’est rendue sur place pour pousser le gouvernement grec à agir plus rapidement en vue de l’ouverture avant l’hiver prochain de tels camps sur cette île.

Des milliers de demandeurs d’asile

Elle demande aussi l’amélioration des conditions d’hébergement des quelque 14 000 demandeurs d’asile qui se trouvent à Lesbos et la constructino de nouvelles infrastructures d’accueil sur trois îles grecques proches de la côte turque, Samos, Chios et Kos, où se trouvent des milliers d’autres migrants arrivés de Turquie.

Ylva Johansson a par ailleurs exhorté la Turquie « à réadmettre d’urgence les migrants » renvoyés de Grèce, tandis que les présidents de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, et du Conseil européen Charles Michel se rendront à Ankara le 6 avril pour rencontrer le président Recep Tayyip Erdogan.

Le ministre grec des Migrations Notis Mitarachi a rappelé lundi que la Grèce avait demandé à la Turquie de reprendre sur son territoire 1450 personnes qui avaient été déboutées du droit d’asile sur les îles grecques.  

La commissaire européenne a en outre souligné lundi que « la question migratoire devait être européanisée » et qu’il ne fallait pas laisser les États membres aux frontières extérieures de l’UE seuls face à la gestion de cette crise.

Vive opposition locale

Illustration de la complexité de ce dossier, Ylva Johansson a été confrontée à la fronde de 300 habitants de Lesbos qui ont manifesté devant le bâtiment où se déroulait sa conférence de presse pour s’opposer à la mise en place d’un nouveau camp, a constaté l’AFP.  

« Non aux structures sur l’île », pouvait-on lire sur une banderole déployée avant l’arrivée de la commissaire européenne et du ministre grec des Migrations.

Notis Mitarachi a récemment annoncé à l’AFP que le camp de Samos ouvrirait avant la fin du premier semestre 2021, les autres avant décembre 2021.

Le gouvernement avait promis il y a longtemps un nouveau camp pour remplacer celui de Moria, détruit en septembre dans un incendie, mais sa construction s’était heurtée à l’opposition de la population et des autorités locales, lassées par la présence des demandeurs d’asile sur leur île depuis la crise migratoire de 2015.

Le nouveau camp de Lesbos doit voir le jour dans la localité de Pali, à une demi-heure de route de la capitale de cette île, Mytilène.  

Depuis l’incendie de Moria, quelque 8000 migrants sont toujours regroupés dans des installations provisoires où leurs conditions de vie ont été extrêmement difficiles cet hiver.

La Grèce doit enquêter

Interrogée au cours du point presse sur les accusations de refoulements de migrants par les garde-côtes grecs en mer Égée, Ylva Johansson a demandé à la « Grèce de faire plus » et d’enquêter.  

« Il y a des cas particuliers qui, je le pense vraiment, doivent être examinés de près », a déclaré la commissaire européenne, ajoutant qu’elle était « très préoccupée » par les rapports établis par le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU.  

« Nous devons protéger nos frontières extérieures et nous devons protéger les droits fondamentaux, cela va de pair, ce n’est pas une contradiction », a-t-elle poursuivi.

Les autorités grecques ont été accusées ces derniers mois par des ONG et dans des enquêtes parues dans de nombreux médias d’avoir forcé des migrants présents en mer Égée à retourner dans les eaux territoriales turques sans déposer de demandes d’asile en Grèce, en violation du droit international.

« Nous n’avons pas renvoyé de bateaux. Nous avons empêché des bateaux d’entrer sur le territoire grec et européen, ce qui est permis », avait assuré dans un entretien avec l’AFP Notis Mitarachi il y a quelques jours.  

Jeudi, il a de nouveau apporté un démenti à ce sujet, insistant sur le fait que des enquêtes menées par l’Union européenne et l’agence Frontex n’avaient conclu à « aucune infraction à des droits fondamentaux dans les cas qui ont été examinés ».