(Dublin) En temps normal, la cave du Temple Bar aurait été à cette époque remplie de fûts de Guinness pour étancher la soif de milliers d’Irlandais venus célébrer la Saint-Patrick. Mais en ce mercredi de confinement, seuls quelques tonneaux vides gisent sur le sol glacé du pub dublinois.  

Pour la deuxième année consécutive, les célébrations endiablées consacrées au saint patron de l’Irlande ont été annulées en raison de l’épidémie de COVID-19.

« Cela fait un an maintenant et on a l’impression d’être revenus au point de départ », se désole le tenancier Tom Cleary, perché sur un tabouret à côté d’un robinet à Guinness en forme de harpe celtique. « C’est triste qu’il n’y ait pas de fin en vue », dit-il à l’AFP. « Aura-t-on les mêmes problèmes à la prochaine Saint-Patrick ? ».

Véritable fête nationale, la Saint-Patrick est l’une des journées les plus importantes de l’année pour les tenanciers. Des foules joyeuses se pressent dans les centres-villes, célébrant de pub en pub leur île d’Émeraude à grand renfort d’alcool et de costumes vert trèfle.  

Mais la crise sanitaire y a mis l’année dernière un net coup d’arrêt : à la suite du premier cas de COVID-19 détecté le 29 février, le gouvernement a demandé à tous les pubs de cesser leurs activités après le 15 mars, soit 24 heures seulement avant le « Paddy’s day ».

« Une éternité »

Depuis un an, 4534 personnes sont décédées du nouveau coronavirus en Irlande, sur 4,9 millions d’habitants, et le pays est en plein troisième confinement.

Les pubs de certains comtés - et uniquement ceux servant de la nourriture - ont été brièvement autorisés l’année dernière à rouvrir, lorsque le nombre de cas de contamination avait diminué.  

Mais tous sont désormais fermés depuis la veille de Noël, un assouplissement des restrictions ayant conduit à une forte augmentation des cas et l’Irlande devenant même début janvier la nation la plus infectée au monde, selon l’Université d’Oxford.

Le gouvernement a prévenu qu’il faudrait probablement attendre le milieu de l’été pour une réouverture.

« Quand vous avez été fermés pendant un an, chaque jour est une éternité », se désole Donall O’Keeffe, directeur de la LVA, organe représentatif des gérants de pubs dublinois.

Privés de l’expérience quasi mystique que représente le pub en Irlande, certains buveurs impatients ont décidé de s’improviser tenanciers.  

La police irlandaise a ainsi effectué de nombreuses descentes dans des débits clandestins, depuis la version « cheap » - un bar en bois surmonté d’une seule tireuse sur une plaque de tôle ondulée - à des variants beaucoup plus élaborés, comme celui perquisitionné le soir du Nouvel An, avec table de billard et une borne d’arcade.

« Sombre ambiance »

Au-delà des fêtards, les Irlandais commencent à s’impatienter face à un confinement qui n’en finit pas et à la lenteur de la campagne de vaccination, entravée par les problèmes d’approvisionnement qui touchent l’Union européenne.  

Le mois dernier, une manifestation contre le confinement dans le centre de Dublin a attiré des centaines de personnes et des violences ont éclaté. Des participants ont tiré des feux d’artifice sur la police, qui a chargé la foule à coups de matraque.  

Craignant une répétition pour la Saint Patrick, la police a prévenu que des points de contrôle seraient mis en place dans les rues, avec des unités canines, des policiers antiémeute et un hélicoptère.

La veille du jour J, devant le Temple Bar - qui a donné son nom au célèbre quartier de Dublin dédié à la boisson -, les rues pavées n’étaient occupées que par des pubs aux volets baissés depuis bien trop longtemps.  

« L’ambiance est sombre », explique Martin Harte, porte-parole des commerçants du quartier, « personne ne pense que nous allons rouvrir bientôt et les gens vivent dans la crainte et l’incertitude ».