(Moscou) Discipline et surveillance permanente : l’opposant russe Alexeï Navalny a déclaré lundi être incarcéré dans un « camp de concentration », décrivant ses conditions de détention dans la colonie où il purge une peine de deux ans et demi de prison.

Dans un message publié sur son compte Instagram, le célèbre détracteur du Kremlin a ainsi confirmé être actuellement dans une prison à la sinistre réputation, après plusieurs jours d’incertitude quant à sa localisation.

« Il faut reconnaître que le système carcéral russe a réussi à me surprendre. Je ne pensais pas qu’on pouvait construire un camp de concentration à 100 km de Moscou », a écrit ce militant pourfendeur de la corruption âgé de 44 ans.

Il précise qu’il se trouve dans la colonie pénitentiaire n° 2 dans la périphérie de la ville de Pokrov, dans la région de Vladimir, à deux heures de route à l’est de la capitale.

Confrontés au mutisme des autorités pénitentiaires, ses avocats essayaient depuis plusieurs jours de repérer le lieu exact de sa détention, depuis son transfert fin février après sa condamnation en appel.  

Cette condamnation, qui a suivi son retour en Russie après un empoisonnement, a suscité une vague de manifestations fermement réprimées par les autorités russes et une indignation internationale.  

Citée par les agences de presse russes, l’avocate Olga Mikhaïlova, qui le défend, a affirmé lundi qu’elle avait pu finalement rencontrer son client dans cette colonie.  

Crâne rasé

Fidèle à son humour grinçant, Alexeï Navalny a assorti son message d’une ancienne photo de lui, non datée, le montrant le crâne rasé.  

« Trois choses continuent de me surprendre : le ciel étoilé au-dessus de nous, l’impératif catégorique (loi morale dont toutes les maximes sont universelles et inconditionnelles, NDLR) au fond de chacun et l’incroyable sensation de passer sa main sur son crâne tout juste rasé », a-t-il noté.

Il ajoute que tous ses faits et gestes sont enregistrés par des caméras : « Tout le monde est sous surveillance et la moindre infraction donne lieu à un rapport ».

Lointain héritage du Goulag, cette prison fait aujourd’hui partie des 684 camps de travail accueillant 393 000 prisonniers en Russie. Entourée d’une clôture de tôle surmontée de barbelés, elle est décrite comme particulièrement dure par d’anciens détenus.

L’opposant Konstantin Kotov, qui y a passé plus d’un an, a affirmé à l’AFP que les prisonniers n’y avaient quasiment pas de temps libre et étaient complètement coupés du monde extérieur.

Lundi, Alexeï Navalny a affirmé ne pas avoir subi de violences, pour l’heure.  

Mais il a ajouté croire les récits ayant fait état de telles exactions en observant « l’attitude tendue des détenus quand ils se tiennent au garde-à-vous et ont peur de bouger un peu la tête ».  

Arrêté en janvier dès son retour à Moscou de cinq mois de convalescence en Allemagne après un empoisonnement dont il accuse le Kremlin, M. Navalny est visé par de multiples affaires judiciaires qu’il considère comme ayant un caractère politique.

Il a été condamné dans une affaire de fraude datant de 2014 que lui-même, les ONG et de nombreuses capitales occidentales jugent politique.

M. Navalny était tombé subitement dans le coma en août dernier pendant une tournée électorale en Sibérie. Après son évacuation d’urgence en Allemagne, trois laboratoires européens ont estimé que l’opposant avait été empoisonné à l’aide d’un agent innervant, le Novitchok, mis au point à l’époque soviétique.

L’opposant et ses proches accusent depuis une équipe des services de sécurité russes (FSB) d’avoir été à l’origine de cet empoisonnement sur ordre de Vladimir Poutine, ce que les autorités russes démentent avec véhémence, ayant avancé différentes versions expliquant la maladie soudaine de l’opposant.

L’arrestation de M. Navalny a provoqué d’importantes manifestations en Russie, auxquelles les autorités ont répondu par plus de 11 000 arrestations. L’UE comme les États-Unis exigent la « libération immédiate » de M. Navalny.

Des experts de l’ONU ont réclamé une enquête internationale sur son empoisonnement et l’UE comme Washington ont sanctionné de hauts responsables russes dans cette affaire.