(Madrid) Le sort de l’eurodéputé indépendantiste et ex-président catalan, Carles Puigdemont, est désormais entre les mains de la justice belge, après la levée de son immunité mardi par le Parlement européen.

Le président du mouvement « Ensemble pour la Catalogne » (Junts, centre droit), privé de cette immunité comme deux autres eurodéputés catalans, a dénoncé une « persécution politique », déplorant un « jour triste pour le Parlement européen » et la démocratie dans l’UE.

Tandis que Madrid s’est félicité du vote, affirmant qu’il montrait que « les problèmes de la Catalogne se résolvent en Espagne ».

La vie de M. Puigdemont va devenir « compliquée », car privés de l’immunité dont jouissent les parlementaires européens, lui et ses anciens « ministres » Toni Comin et Clara Ponsati « ne sont plus protégés », a expliqué mardi à l’AFP un responsable du Parlement européen.

Tous trois élus au Parlement européen en 2019, ils sont poursuivis par la justice espagnole pour « sédition » et, dans le cas de MM. Puigdemont et Comin, s’ajoute l’accusation de « détournements de fonds publics ».

La levée de leur immunité ouvre la voie à un examen par les autorités judiciaires des pays où ils vivent en exil des mandats d’arrêt émis à leur encontre par l’Espagne. Ils sont poursuivis pour la tentative de sécession de cette riche région du Nord-Est de l’Espagne en 2017, après l’organisation d’un référendum interdit.

Carles Puigdemont et Toni Comin vivent en Belgique. Le cas de Mme Ponsati relève en revanche des autorités judiciaires d’Écosse, où elle séjournait, et qui avaient suspendu l’examen de son extradition dans l’attente de la décision des eurodéputés.

Ce vote a été accueilli avec satisfaction par le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez et les responsables de l’opposition de droite.

Rester en Belgique

Le vote du Parlement européen montre que « les problèmes de la Catalogne se résolvent en Espagne, ils ne se résolvent pas en Europe », a estimé dans une brève déclaration la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha González Laya, rappelant que « la ligne adoptée par le gouvernement espagnol est de tendre la main aux forces politiques catalanes pour trouver une solution par le dialogue et la négociation ».

Un eurodéputé « ne peut se prévaloir de son statut pour éviter de comparaître devant une justice nationale » et sur « la solidité de l’État de droit en Espagne », a ajouté la ministre.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, le premier ministre socialiste Pedro Sanchez a plaidé pour l’apaisement du conflit en Catalogne, proposant même l’ouverture d’un cycle de négociations avec les autorités régionales. Ces négociations n’ont toutefois pas pu démarrer en raison de l’éclatement de la pandémie.

Pour Carles Puidgemont, ce vote portait sur « l’idée que nous nous faisons de la démocratie et l’avenir que nous voulons bâtir en Europe », avait-il averti lundi sur Twitter.

Mardi soir, une centaine de personnes ont manifesté à Barcelone contre la décision européenne, brandissant des pancartes réclamant « liberté » et « amnistie » pour les anciens dirigeants poursuivis pour l’organisation du référendum.

 « C’est très triste et cela aura des conséquences très graves. La démocratie flanche en Europe », a jugé Rosa Ferrer, une manifestante de 63 ans.

La levée de l’immunité parlementaire n’est pas la fin de l’histoire pour Carles Puigdemont, puisqu’il a annoncé son intention d’en appeler à la justice européenne. Et les tribunaux belges ont refusé en janvier d’exécuter un mandat d’arrêt européen visant un autre ancien ministre régional indépendantiste, Lluis Puig, mettant en avant un « risque sérieux de violation » de son « droit à un procès équitable » en Espagne.  

Plusieurs autres responsables catalans restés dans leur pays, comme Oriol Junqueras, l’ancien vice-président du gouvernement régional de Carles Puigdemont, purgent de lourdes peines de prison en Espagne.

Mais la liberté de mouvement de Carles Puigdemont va être sérieusement réduite, en particulier ses déplacements à Perpignan, dans le sud de la France, où il retrouvait ses partisans. « Si j’étais lui, je ne quitterais pas la Belgique », a confié un responsable du Parlement.