(Moscou) Le parquet russe a requis mardi 950 000 roubles (environ 10 600 euros) d’amende pour diffamation contre l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, une des multiples affaires judiciaires visant la bête noire du Kremlin.

Comme il était sous le coup d’une condamnation à une peine de prison avec sursis au moment des faits, le parquet a également requis que l’opposant purge celle-ci. Une autre juridiction avait cependant déjà converti, le 2 février, ce sursis en sentence ferme de deux ans et huit mois de détention.

Samedi, un tribunal de Moscou devra rendre son jugement dans l’affaire de diffamation, tandis qu’une juridiction d’appel examinera le recours de l’opposant contre la conversion de sa peine de prison avec sursis.

Pour cet opposant également pourfendeur de la corruption, qui a survécu à un empoisonnement l’été dernier, le Kremlin cherche à le faire taire avec ces poursuites, d’autant que la Russie organise des législatives à l’automne.  

Dans l’affaire de mardi, M. Navalny est accusé de diffamation à l’égard d’un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale.

Fidèle à son attitude de défi, Alexeï Navalny a demandé « Vous voulez me fusiller ? » au procureur, qui s’apprêtait à achever son réquisitoire.

« Les poursuites contre Navalny sont fantaisistes et arbitraires », a de son côté plaidé son avocate Olga Mikhaïlova, « il n’y a aucun élément constitutif d’un délit dans cette affaire ».

L’opposant de 44 ans est accusé d’avoir diffusé des informations « mensongères » et « injurieuses » au sujet d’un ancien combattant qui avait défendu dans un clip de campagne, l’été dernier, un référendum ayant renforcé les pouvoirs de Vladimir Poutine.

Il avait qualifié, sur un réseau social, les intervenants dans cette vidéo de « honte de la Nation » et de « traîtres ».

La victoire soviétique sur les nazis occupe une place centrale dans la conscience collective russe et est abondamment célébrée par les autorités et la population. Les critiques à l’égard d’anciens combattants sont généralement très mal perçues.

« On ne peut pas insulter les anciens combattants dans ce pays », a lâché le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov, cité par l’agence de presse Ria Novosti.  

Au cours de récentes audiences, Alexeï Navalny a multiplié les échanges tendus avec le ministère public et la juge, dénonçant leur soumission aux autorités et estimant que la justice manipulait un homme de 94 ans pour réprimer un adversaire du pouvoir.

La magistrate Vera Akimova doit rendre sa décision samedi et M. Navalny aura alors de nouveau l’occasion de s’exprimer.  

Le même jour, l’appel de l’opposant contre sa condamnation à près de trois ans d’incarcération doit être examiné.  

Marathon judiciaire

En application du jugement rendu le 2 février, M. Navalny doit passer deux ans et huit mois en détention pour avoir violé son contrôle judiciaire tandis qu’il était sous le coup d’une peine avec sursis. L’opposant avait été condamné en 2014 dans le cadre d’une affaire de fraude.  

L’intéressé a souligné qu’il ne s’était pas soumis à ce contrôle, car il était en convalescence en Allemagne à la suite d’un empoisonnement, orchestré par le Kremlin selon lui.  

Son avocate a dénoncé le fait que ces deux audiences se soient déroulées le même jour. « Comment allons-nous avoir le temps ? », s’est interrogée Olga Mikhaïlova.

Outre ces dossiers, M. Navalny est visé par une avalanche de procédures, notamment une enquête pour escroquerie, un délit passible de dix ans de prison.

La justice a en outre reporté l’examen prévu pour mardi d’une des plaintes en diffamation déposées par le puissant milliardaire proche du Kremlin Evguéni Prigojine, qui a juré de ruiner l’opposant.

La justice russe a enfin confirmé mardi une condamnation de M. Navalny à 3,3 millions de roubles (37 000 euros au taux actuel) de dommages et intérêts à verser à une entreprise agroalimentaire qu’il a accusée de corruption dans l’une de ses enquêtes.

L’opposant n’a cessé de marteler que les autorités veulent le réduire au silence, car il a survécu, l’été dernier, à une tentative d’empoisonnement dont il tient le président Vladimir Poutine pour responsable.

Son interpellation le 17 janvier à son retour de convalescence en Allemagne a suscité des manifestations à travers la Russie qui ont donné lieu à quelque 11 000 arrestations.

L’Union européenne menace quant à elle en retour Moscou de nouvelles sanctions.