(Rome) Mario Draghi, ex-chef de la Banque centrale européenne, a été chargé mercredi de former un gouvernement pour permettre à l’Italie, paralysée depuis la démission du premier ministre Giuseppe Conte, d’affronter la crise sanitaire et de procéder aux arbitrages du colossal plan de relance financé par l’UE.

Le président de la République Sergio Mattarella, arbitre en cas de crise politique, a reçu mercredi à la mi-journée Mario Draghi et lui a donné mandat de former le gouvernement.

Dans une première déclaration, le responsable de 73 ans, crédité d’avoir sauvé la zone euro en 2012 en pleine crise de la dette, a tracé les défis qui l’attendent : « vaincre la pandémie, continuer la campagne de vaccination et relancer le pays ».

M. Draghi, dont l’arrivée a été saluée mercredi par une Bourse de Milan en hausse, s’est dit « confiant que l’unité émergera des discussions avec les partis politiques, les groupes politiques et les forces sociales », dans un moment « difficile ».

M. Mattarella s’était prononcé mardi soir pour un gouvernement de « haut niveau » capable « d’affronter les graves crises actuelles : sanitaire, sociale, économique ». Lançant un appel à tous les partis politiques pour qu’ils soutiennent ce gouvernement, il a fermement exclu la tenue d’élections anticipées en pleine pandémie, qui a déjà fait plus de 89 000 morts dans le pays et mis à terre l’économie.

Il avait dû prendre acte de l’échec des consultations pour la reconduction de la coalition sortante menée par Giuseppe Conte, composée du Parti démocrate (PD, centre gauche), du Mouvement 5 Étoiles (M5S, antisystème jusqu’à son arrivée au pouvoir) et du petit parti Italia Viva (IV) de Matteo Renzi.

Mario Draghi a immédiatement rencontré mercredi la présidente du Sénat, Elisabetta Casellati (PD), et le président de la Chambre des députés Roberto Fico (M5S), avant d’être reçu par Giuseppe Conte.

Le nœud M5S

Obtenir l’aval du M5S, très divisé, s’annonce compliqué. Le chef des sénateurs M5S au Sénat, Vito Crimi, a déjà annoncé qu’il n’apporterait pas son soutien à « la voie impraticable » d’un « gouvernement technique » provisoire. « Ce type d’exécutif a déjà été adopté dans le passé, avec des conséquences extrêmement négatives pour les citoyens italiens », a-t-il fustigé.

Matteo Renzi, ex-chef du gouvernement italien qui a provoqué l’éclatement du gouvernement en retirant récemment l’appui de son parti, jubilait mercredi. « Toutes les personnes de bonne volonté doivent répondre à l’appel du président Mattarella et soutenir le gouvernement de Mario Draghi », a-t-il commenté sur Twitter.  

Le PD se dit prêt à contribuer avec ses idées pour sortir de la pandémie, son président Nicola Zingaretti soulignant même que M. Draghi est apte à « sortir le pays de l’incertitude créée par une crise irresponsable et absurde ».

À droite de l’échiquier, le populiste Matteo Salvini (La Ligue) a répété sa préférence pour de nouvelles élections législatives, mais s’est déclaré prêt à « écouter » le professeur Draghi. Plusieurs responsables de Forza Italia, la formation de Silvio Berlusconi, se sont déclarés favorables à l’homme choisi par la présidence.

« Le premier défi pour Draghi, qui n’est pas un novice en politique, sera de s’assurer une majorité au parlement où règne une profonde défiance envers les “solutions technocratiques” », souligne l’analyste politique Wolfgango Piccoli du cabinet Teneo. « À ce stade, il est loin d’être clair qu’une majorité au parlement soit prête à soutenir Draghi comme premier ministre ».

Bruxelles positif

Pour relancer l’économie exsangue, l’Italie table sur un plan de plus de 200 milliards d’euros financé par le mégaplan européen de relance décidé en juillet par l’Union européenne, alors que la troisième économie de la zone euro a affiché en 2020 l’une des pires chutes du PIB de la zone euro (-8,3 %). L’Italie doit présenter ses propositions à Bruxelles d’ici le 30 avril.

Le vice-président de la Commission européenne, le Grec Margaritis Schinas, a souligné mercredi le « respect et l’admiration » de Bruxelles pour le nouvel homme fort italien.

« Merci, président Mattarella ! », a réagi aussi sur Twitter le Commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Paolo Gentiloni, qui figure lui aussi sur la longue liste des premiers ministres d’un pays à l’instabilité politique chronique.

Mario Draghi, réputé pour sa discrétion, son sérieux et sa détermination, est « une personne extrêmement bien préparée et déterminée », a commenté pour l’AFP Giuliano Noci, professeur de stratégie à l’école de commerce de Polytechnique à Milan. « Il serait certainement en mesure de sortir l’Italie de la crise, avec le soutien du pays et du Parlement ».