(Moscou) La police russe a multiplié les enquêtes et les perquisitions visant l’opposant incarcéré Alexeï Navalny et ses proches, a indiqué son équipe mercredi, à quelques jours de nouveaux rassemblements contre le pouvoir.

Parallèlement, le gendarme des télécoms Roskomnadzor a annoncé qu’il allait sanctionner les réseaux sociaux et sites Facebook, Instagram, Twitter, TikTok, VKontakte, Odnoklassniki et YouTube pour avoir laissé en ligne des messages incitant, selon lui, les mineurs à manifester samedi en faveur de M. Navalny.

« On ne laisse pas mon avocat venir, on a brisé ma porte », a crié à la presse par sa fenêtre Ioulia Navalnaïa, l’épouse de l’opposant, dont l’appartement moscovite a fait l’objet d’une descente de police mercredi.

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L’avocate Véronika Koulikova, devant la porte du domicile perquisitionné, a dénoncé une « violation de la loi » et accusant la police de ne pas la laisser entrer.  

Une perquisition a également eu lieu dans les bureaux de l’organisation de l’opposant, le Fonds de lutte contre la corruption, a indiqué sur Twitter Lioubov Sobol, une de ses proches.

Selon le directeur de cette organisation, Ivan Jdanov, deux autres raids de police ont visé un appartement de l’opposant où se trouvait son frère Oleg et l’appartement de la porte-parole de M. Navalny, Kira Iarmych, condamnée vendredi dernier à neuf jours de prison.

D’après la même source, ces descentes sont intervenues dans le cadre d’une enquête pour violation des « normes sanitaires » en vigueur à cause de l’épidémie de nouveau coronavirus, après les manifestations samedi en Russie à l’appel de l’opposant.

« Il a été établi que les organisateurs et les participants aux manifestations non-autorisées avaient créé une menace de propagation du nouveau coronavirus », a indiqué le ministère de l’Intérieur avant les perquisitions, affirmant que des personnes infectées avaient manifesté à Moscou.

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Une perquisition était également en cours dans les bureaux de l’organisation de l’opposant, le Fonds de lutte contre la corruption.

Enquêtes et amendes

« Je suis frappé de voir à quel point un seul homme, M. Navalny, semble inquiéter, voire faire peur au gouvernement russe », a réagi à Washington le nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken. « Nous sommes profondément inquiets pour la sécurité de M. Navalny », a-t-il ajouté, estimant qu’il était le porte-parole « de nombreux, nombreux, nombreux Russes, et il faudrait l’écouter plutôt que le museler ».

Les enquêtes en lien avec les manifestations de samedi dernier se multiplient alors que les partisans de M. Navalny, pourfendeur de la corruption et ennemi juré du Kremlin, ont annoncé de nouveaux rassemblements dimanche.

À Moscou, une manifestation est prévue devant le siège des services de sécurité (FSB), alors qu’Alexeï Navalny doit passer devant des juges la semaine prochaine et risque de la prison ferme.

Les organisateurs espèrent renouveler le succès de leur précédente journée d’action le 23 janvier qui a vu des dizaines de milliers de Russes braver l’interdiction de manifester.  

Le Comité d’enquête russe, chargé des investigations prioritaires, a annoncé mercredi qu’une vingtaine d’enquêtes avaient été ouvertes en lien avec les manifestations, notamment pour appels à des troubles, hooliganisme, violences à l’encontre des policiers ou encore pour incitation de mineurs à commettre des actions illégales.

Le gendarme des télécoms Roskomnadzor a annoncé que les réseaux sociaux, parmi lesquels notamment Facebook, Instagram, TikTok et Twitter, seraient sanctionnés d’amendes pouvant aller jusqu’à 4 millions de roubles (environ 52 600 euros au taux actuel) pour ne pas avoir supprimé des appels incitant les mineurs à participer aux manifestations.

Pour sa part, la diplomatie russe a dénoncé dans un communiqué la diffusion « des “fakes” sur la Russie » par les géants américains de l’internet qui reproduisent « systématiquement du contenu provocateur, diffusé ensuite de manière coordonnée par l’ambassade américaine à Moscou ».

Une note de protestation à ce propos a été remise mercredi à un représentant de l’ambassade, la Russie ayant prévenu qu’elle « se réserve le droit de riposter ».

Le ministère de l’Intérieur a ouvert lui une enquête pour blocage de voies publiques, notamment à Vladivostok (Extrême-Orient) où les protestataires avaient bloqué la circulation en manifestant.

Les manifestations dans une centaine de villes russes, une ampleur géographique exceptionnelle pour la Russie, se sont soldées par près de 3900 interpellations.

Alexeï Navalny a accusé le FSB de l’avoir empoisonné fin août avec un agent neurotoxique sur ordre du président russe. Des accusations rejetées par le Kremlin.

Après une convalescence de cinq mois en Allemagne, l’opposant est rentré le 17 janvier en Russie et a été immédiatement arrêté.

Il est visé par de multiples procédures judiciaires.