(Londres) Le premier ministre britannique Boris Johnson a défendu mercredi ses mesures anti-COVID-19, après une rébellion sans précédent de ses troupes qui met à mal son autorité en pleine flambée du très contagieux variant Omicron.

Deux ans après sa victoire électorale historique, le dirigeant conservateur est fragilisé par une série de scandales, sur les conflits d’intérêts au sein de son parti ou encore des fêtes à Downing Street fin 2020 au mépris des règles sanitaires. Et il risque jeudi la perte d’un bastion conservateur lors d’une élection partielle qui se dessine comme un test pour lui.

Mardi soir, il a subi un camouflet à la Chambre des communes : 99 députés de sa majorité ont voté contre l’instauration d’un passeport sanitaire pour les grands évènements. Il a fallu le soutien de l’opposition travailliste pour adopter cette mesure phare du gouvernement visant à lutter contre le « raz-de-marée » des cas d’Omicron dans un pays qui compte déjà presque 147 000 morts de la COVID-19.  

78 610 cas mercredi, un record

Face à un record de contaminations mercredi depuis le début de la pandémie, à 78 610, Boris Johnson a appelé la population à se faire administrer une dose de rappel dans le cadre d’une campagne de vaccination de grande ampleur, et défendu sa politique sanitaire.

Il bataille sur le front politique après avoir subi sa plus grosse rébellion depuis son arrivée au pouvoir. À l’échelle du parti, seule l’ex-première ministre Theresa May avait déjà essuyé pire gifle depuis la Seconde Guerre mondiale, avant d’être destituée par les siens.  

« Nous avons gagné le vote d’hier avec les voix des conservateurs », s’est défendu Boris Johnson, lors de la séance hebdomadaire des questions des députés, particulièrement agitée.

« Je respecte et comprends les inquiétudes légitimes de mes collègues concernant les restrictions de leur liberté », a-t-il ajouté, « mais je crois que l’approche que nous adoptons est équilibrée, proportionnée et juste pour ce pays ».  

Les députés conservateurs « ont eu tort de voter contre des mesures sanitaires basiques, mais je peux comprendre pourquoi, car ils sont en colère contre lui », lui a lancé le leader travailliste Keir Starmer, jugeant le chef du gouvernement « trop faible pour gouverner » et lui demandant s’il avait « la confiance et l’autorité nécessaires ».  

Cette rébellion signe le mécontentement de certains Tories à l’encontre de mesures sanitaires qu’ils jugent liberticides et néfastes pour l’économie britannique. Mais il s’agit aussi d’un vote sanction plus large à l’encontre d’un gouvernement qui multiplie les scandales.  

« Message très clair »

Le premier ministre a « reçu hier le message très clair que ses collègues ne sont pas contents de la façon dont le gouvernement fonctionne en ce moment », a indiqué sur Times Radio le député conservateur Mark Harper.

Selon lui, « tout a commencé il y a plusieurs semaines » lorsque Boris Johnson a tenté de modifier les règles disciplinaires du Parlement au profit d’un député conservateur, Owen Paterson, qui a dû démissionner pour une affaire de lobbying.  

A cela s’ajoutent des révélations explosives sur la tenue d’évènements à Downing Street en décembre 2020 — quand le gouvernement exigeait des Britanniques qu’ils limitent fortement leurs interactions sociales — et de nombreuses accusations de corruption.

« Je respecte les règles, toute la classe politique devrait suivre les règles », a martelé Boris Johnson devant la presse mercredi.

Devant ce ras-le-bol des Tories, le Parti conservateur pourrait organiser un vote de défiance à l’encontre de son dirigeant, en chute dans les sondages.  

Élection symbolique

« Les vautours tournent à nouveau, deux ans à peine après que le parti conservateur a déchiré son dernier dirigeant », a estimé dans un éditorial le quotidien The Guardian, pour qui la ministre des Affaires étrangères Liz Truss constituerait « la candidate évidente pour succéder » à Johnson.  

« Le gouvernement est en fonction, mais plus au pouvoir », a jugé un éditorial du Times.  

La légitimité du premier ministre sera mise à l’épreuve dès jeudi lors d’une élection partielle à valeur de référendum dans le comté de North Shropshire (centre de l’Angleterre), destinée à remplacer Owen Paterson.  

Selon des experts, ce bastion « tory » pourrait échapper au premier ministre au profit des libéraux-démocrates, une défaite risquant d’alimenter les appels à son départ, sujet qui n’est plus tabou.