(Londres) Il y a deux ans, Boris Johnson était élu triomphalement, s’imposant comme le nouvel homme fort du Royaume-Uni. Le dirigeant conservateur est aujourd’hui sur un siège éjectable, sa crédibilité en lambeaux après une série de scandales qui lui ont aliéné une partie de ses soutiens et de l’opinion.

Soupçons de mensonge sur le financement de la luxueuse rénovation de son appartement de fonction, attribution de contrats entre amis durant la pandémie, accusations de favoritisme envers de généreux donateurs du Parti conservateur, violation des règles anti-COVID-19 par un conseiller ou un ministre…  

Face à l’accumulation des affaires embarrassantes, Boris Johnson, 57 ans, a « jusqu’ici été comme du Teflon, presque rien n’a accroché », constate Robin Pettitt, spécialiste de la politique britannique, interrogé par l’AFP.

Mais si le fantasque dirigeant à la chevelure blonde ébouriffée s’en est sorti à force de pirouettes, la dernière en date risque de le faire valser.

Le party de trop

Les Britanniques ne lui pardonnent pas un party de bureauqui aurait été organisée à Downing Street en décembre 2020 quand eux-mêmes étaient privés de réjouissances à cause du coronavirus. Surtout depuis qu’une vidéo montrant des collaborateurs de Boris Johnson plaisantant sur ce party de Noël a fuité.   

« C’est une hypocrisie tellement flagrante », souligne M. Pettitt. « Vous pouvez avoir deux ou trois scandales et peut-être vous en tirer », mais quand « il y en a tellement, cela finit par déborder ».

Jusqu’ici, Boris Johnson a surfé sur son image de faiseur du Brexit, séduisant les classes populaires habituellement acquises aux travaillistes dans le nord de l’Angleterre. Il a bénéficié aussi d’une campagne de vaccination réussie contre la COVID-19.  

68 % des Britanniques pensent qu’il ment

Mais cette fois, son aplomb et son bagou caractéristiques ne semblent plus suffire pour convaincre que les règles sanitaires ont bien été respectées par ses équipes, comme il l’affirme.

Selon un sondage YouGov pour le quotidien The Times vendredi, 68 % des personnes interrogées pensent qu’il ment. Sa popularité est au plus bas et l’opposition travailliste est créditée de plusieurs points d’avance dans différentes enquêtes d’opinion, du rarement vu.

« Les gens pensent que Boris Johnson est un menteur » quand « justement il devrait être vu comme un leader », alors que le rebond de l’économie semble s’essouffler, que le bilan du Brexit peine à convaincre et que le variant Omicron menace, explique le politologue Steven Fielding, de l’université de Nottingham.

Ce n’est pas la première fois que le premier ministre, qui vient d’être père pour la septième fois, est accusé d’entorse à la vérité dans sa carrière politique ou journalistique. Il avait ainsi été congédié du journal The Times pour avoir inventé une citation.

Scandale du lobbying

Ce scandale de Noël survient peu de temps après un autre, ravageur également. En tentant de changer les règles de déontologie parlementaire pour venir à la rescousse d’un député accusé de lobbying, il a sérieusement écorné son image d’homme du peuple, selon Robin Pettitt.  

Le front est ouvert aussi au Parlement, où des députés mettent sa crédibilité, voire sa légitimité, en doute.

Johnson est arrivé au pouvoir avec une victoire écrasante aux législatives, la plus large pour les Tories depuis 1987 sous Margaret Thatcher. Or, il pourrait affronter une rébellion sans précédent dans son propre camp lors du vote la semaine prochaine sur les nouvelles restrictions sanitaires.

Dans l’opposition, le leader du Labour Keir Starmer réclame sa tête, l’estimant « inapte à gouverner », dans les colonnes du Telegraph, quotidien d’habitude acquis au pouvoir.  

De là à contester le leadership de Boris Johnson, toléré parce que perçu comme « un gagnant », il y a un pas que certains conservateurs sont prêts à franchir, selon les experts. Il n’y aura pas d’états d’âme si les sondages restent mauvais.  

Déjà les preneurs aux livres tablent sur un possible départ en 2022.

« Impitoyable »

Un test clé pour le leader sera l’élection partielle dans le fief tory du North Shropshire, le 16 décembre. « Le Parti conservateur a toujours été impitoyable pour se débarrasser des leaders qui ne marchent pas », relève Robin Pettitt.  

Pour le renverser, point besoin d’élections anticipées, un vote de défiance au sein du Parti conservateur suffit.

Les challengers ne manquent pas, comme le grand argentier Rishi Sunak ou la cheffe de la diplomatie Liz Truss, très populaire auprès des membres du parti. « Le problème est de savoir qui peut exercer le même attrait que lui sur les anciens électeurs du Labour », commente Steven Fielding.