(Paris) Fin de l’imbroglio autour d’un ressortissant saoudien arrêté mardi en France : après vérification de son identité, l’homme n’est pas en lien avec l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en 2018 à Istanbul et il a été remis en liberté mercredi.

L’homme avait été interpellé par la police aux frontières à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle « sur le fondement d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités judiciaires turques le 5 novembre 2018 dans le cadre de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi et à la suite de la diffusion d’une notice rouge d’Interpol », a précisé le procureur général de Paris Rémy Heitz dans un communiqué.

« Les vérifications approfondies relatives à l’identité de cette personne ont permis d’établir que le mandat ne s’appliquait pas à elle », a-t-il ajouté, « il a été remis en liberté ».

Au moment de son passage au contrôle mardi matin alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol pour Riyad, le Saoudien avait présenté un passeport au nom de Khaled al-Otaibi et la notice rouge d’Interpol s’était activée, a expliqué une source proche du dossier.

« Homonymie »

« C’est une homonymie quasiment parfaite », a expliqué mercredi à l’AFP une proche du dossier.

Selon une source proche du dossier, « les fiches de recherche recoupées correspondaient au profil d’al-Otaibi, même mois, année et lieu de naissance ». « Il y avait une ressemblance physique », a ajouté la source, en précisant que « ce sont les éléments judiciaires parvenus de la Turquie qui ont fait libérer cet homme ».

Alors que des vérifications sur son identité étaient diligentées par les autorités françaises, l’ambassade d’Arabie saoudite à Paris avait assuré dès mardi soir que « le citoyen en question n’a aucun lien » avec l’assassinat de Jamal Khashoggi et exigé sa « libération immédiate ».

Une source appartenant aux services de sécurité saoudiens avait précisé que « le véritable Khaled al-Otaibi et tous les accusés dans cette affaire sont emprisonnés au sein du royaume » saoudien.

« Il y a des centaines de Saoudiens qui portent ce même nom », avait-elle souligné.

« Je veux simplement dire que je continuerai à demander justice quoi qu’il arrive », a déclaré à l’AFP Hatice Cengiz, la fiancée de M. Khashoggi, après la libération de l’homme interpellé.

Critique du pouvoir saoudien après en avoir été proche, Jamal Khashoggi, résident aux États-Unis et chroniqueur du quotidien Washington Post, avait été assassiné le 2 octobre 2018 dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul par une équipe d’agents venus du royaume.

Son corps, démembré, n’a jamais été retrouvé.  

Un rapport des services de renseignement américains accuse le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) d’avoir « validé » l’assassinat.

Procès opaque

Après avoir nié le meurtre, Riyad avait fini par dire qu’il avait été commis par des agents saoudiens ayant agi seuls. À l’issue d’un procès opaque en Arabie saoudite, cinq Saoudiens ont été condamnés à mort et trois à des peines de prison. Les peines capitales ont depuis été commuées.

Trois personnes ont été acquittées, dont l’un des principaux collaborateurs de MBS, le chef adjoint du renseignement Ahmed al-Assiri.

La presse étrangère avait été interdite de couvrir ce procès. Néanmoins, des diplomates turcs et des États membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies —Grande-Bretagne, Chine, France, Russie et États-Unis— avaient été autorisés à y assister en tant qu’observateurs.  

La plupart des noms des accusés n’ont pas été divulgués jusqu’à présent, ce qui pourrait expliquer que la notice rouge non publique d’Interpol ait été toujours active.

Sollicitée, l’organisation de coopération policière, basée à Lyon, a renvoyé vers les autorités françaises.

Mardi soir, l’organisation Reporters sans frontières (RSF) avait rapporté sur son site internet qu’elle avait déposé plainte à Paris en octobre 2019 pour assassinat, torture et disparition forcée, contre Khaled al-Otaibi.  

« Cette plainte a été classée sans suite par le parquet, en l’absence d’éléments permettant à l’époque d’établir sa présence en France », selon RSF.

L’imbroglio autour de l’identité du ressortissant saoudien est intervenu trois jours après la rencontre d’Emmanuel Macron avec le prince héritier saoudien à Jeddah.

Le président français avait justifié sa rencontre avec le prince héritier, l’une des premières pour un dirigeant occidental depuis l’assassinat de Jamal Khashoggi, parce que « le dialogue avec l’Arabie saoudite est une nécessité » en raison de son « poids démographique, économique, historique et religieux ».