Valérie Pécresse a accédé jeudi au second tour de la primaire du parti Les Républicains (LR), visant à choisir celui ou celle qui représentera la formation de droite à la prochaine élection présidentielle.

Si elle l’emporte, elle deviendra la troisième femme à briguer l’Élysée en 2022, avec Marine Le Pen (Rassemblement national) et Anne Hidalgo (Parti socialiste).

Ce serait la première fois qu’autant de candidates de premier plan postulent pour la fonction suprême en France.

La femme politique de 54 ans est arrivée seconde de ce scrutin en circuit fermé, auquel participaient les 150 000 adhérents de la formation fondée par Nicolas Sarkozy. Elle affrontera Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, dans un second tour qui se terminera samedi.

Actuelle présidente de la région Île-de-France, cette ancienne ministre de Nicolas Sarkozy (Enseignement supérieur et Budget) est décrite comme une « bosseuse » méthodique et attachée aux valeurs républicaines, qui espère imposer sa ligne libérale sur l’économie et ferme sur le régalien.

« Dame de faire » autoproclamée, elle revendique le programme « le plus audacieux » sur plus d’un plan.

En matière d’immigration, elle veut durcir le droit à la nationalité et aux allocations, et en matière de sécurité, elle n’exclut pas de « faire intervenir l’armée » dans les « zones de non-droit ».

Elle prévoit aussi de supprimer 200 000 postes de fonctionnaires et fait de la réforme du système scolaire une de ses priorités.

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Éric Ciotti (au centre) parle aux journalistes après l’annonce des résultats du premier tour de la primaire du parti Les Républicains, jeudi

Son concurrent Éric Ciotti, plus à droite, qui a créé la surprise en passant au second tour, revendique de son côté « l’autorité, l’identité et la liberté ».

Spécialiste des questions de sécurité, il aligne des propositions plus radicales tirant sur la droite dure : préférence nationale sur l’emploi et le logement, retour au droit du sang, port du foulard interdit pour les usagers des services publics, « Guantánamo à la française » pour lutter contre le terrorisme.

« Quand la droite est la droite sans tabou, l’extrême droite n’existe plus », dit-il, assumant certaines affinités avec Marine Le Pen ou le polémiste Éric Zemmour.

Les trois aspirants éliminés de cette primaire, Xavier Bertrand, Michel Barnier et Patrick Juvin, ont appelé leurs électeurs à porter leur vote du second tour sur Valérie Pécresse, dont le programme, moins extrême, est plus à même de rassembler les Français dans un contexte de campagne électorale.

Un parti qui remonte

Passablement amoché depuis la victoire d’Emmanuel Macron en 2017, le parti LR se maintient depuis quatre ans et demi dans un espace politique réduit, coincé entre La République en marche d’Emmanuel Macron (centre droit) et le Rassemblement national de Marine Le Pen (extrême droite).

Mais rien n’exclut une remontée à la prochaine présidentielle.

Dans un paysage politique fragmenté et une France penchant de plus en plus à droite, ce scénario est même tout à fait envisageable, souligne Bruno Jeanbart, de la maison de sondages OpinionWay.

« Une des caractéristiques de cette élection est que tous les candidats ont des faiblesses. Il y a beaucoup d’incertitudes et cela veut dire que tout est possible », dit-il.

Selon l’expert, la formation conservatrice pourrait profiter de la division du vote à l’extrême droite (Éric Zemmour et Marine Le Pen) tout en allant chercher la frange plus centriste de son électorat, potentiellement tentée par Emmanuel Macron.

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Emmanuel Macron, président de la République française

Depuis cinq ans, le président s’est méthodiquement appliqué à déplumer le parti LR, en ralliant une partie de ses électeurs et même de ses politiciens vedettes (Édouard Philippe, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, tous ministres de La République en marche).

Mais Bruno Jeanbart estime que de nombreux sympathisants de droite, d’abord séduits par ce vent de nouveauté, pourraient être tentés d’intégrer ou de réintégrer le giron républicain.

Il y a une insatisfaction à l’endroit de Macron sur la dépense publique ou des thèmes régaliens comme et la sécurité, où on considère qu’il n’en fait pas assez. Pour le parti LR, il y a donc un espace de reconquête.

Bruno Jeanbart, de la maison de sondages OpinionWay

Valérie Pécresse ne semble pas en douter. Forte de son score au premier tour, la femme politique a affirmé jeudi être « la seule à pouvoir battre Emmanuel Macron », assurant que « du côté de l’Élysée, ils devront réécrire leur scénario ».

Encore faut-il qu’elle soit élue, souligne Olivier Ihl, professeur de science politique à l’Université de Grenoble.

« Certains voudront voter pour elle parce qu’elle a le profil le plus susceptible de fédérer à la présidentielle. C’est ce qu’on appelle le vote utile. Mais d’autres pourraient vouloir aller selon leur conviction et voter pour celui qui est dans une forme de radicalité », conclut l’expert.

Avec l’Agence France-Presse