(Varsovie) La Pologne a qualifié dimanche la crise des migrants à la frontière polono-biélorusse, aux portes de l’UE, de « plus grande tentative de déstabilisation de l’Europe » depuis la guerre froide, alors même que le premier ministre part pour une tournée européenne visant à apaiser les tensions avec l’UE.

Le président biélorusse Alexandre « Loukachenko a lancé une guerre hybride contre l’UE. C’est (la) plus grande tentative de déstabilisation de l’Europe depuis 30 ans. La Pologne ne cédera pas au chantage et fera tout pour défendre les frontières de l’UE », a lancé le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki sur Twitter.

« Aujourd’hui, la cible est la Pologne, mais demain ce sera l’Allemagne, la Belgique, la France ou l’Espagne », a-t-il ajouté, dénonçant « le soutien par-derrière de Vladimir Poutine », le président russe, à M. Loukachenko.

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Le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki

Le chef du gouvernement polonais a fait ces déclarations au moment où il part pour une tournée en Europe, dans un contexte de tensions de plus en plus fortes avec Bruxelles qui accuse Varsovie de ne pas respecter ses engagements sur les principes démocratiques de l’UE et a menacé vendredi d’une éventuelle suspension de fonds européens.

M. Morawiecki devait d’abord s’entretenir dimanche avec ses homologues des États baltes – dont deux sont également frontaliers de la Biélorussie – avant de se rendre dans d’autres capitales européennes cette semaine.

« Aujourd’hui, la Pologne est face à un nouveau type de guerre, dont les armes sont les migrants et la désinformation », a-t-il déclaré en Estonie.

En Lituanie, il a appelé l’Europe à « ne pas laisser les problèmes qui sont discutés actuellement entre nous et Bruxelles éclipser l’énorme risque réel qui pointe à l’horizon ».  

Son homologue lituanienne Ingrida Simonyte a souligné que l’Europe devait « accentuer la pression sur Minsk ».

Détourner l’attention

Des observateurs estiment toutefois que la rhétorique de Varsovie sur cette crise est surtout destinée à détourner l’attention de ses réformes, dont l’UE estime qu’elles limitent l’indépendance de la justice.

« C’est vrai que le problème à la frontière est sérieux et requiert une solidarité de la part de l’Europe occidentale, mais M. Marwiesck dramatise les choses pour détourner l’attention de sa violation de l’État de droit », a déclaré à l’AFP l’analyste politique Marcin Zaborowski, directeur politique du think tank Globsec.

Quant à l’importance de cette crise, « on est loin de la guerre en Ukraine », a-t-il ajouté.

L’Occident accuse la Biélorussie de créer artificiellement la crise en faisant venir des candidats à l’immigration – principalement du Moyen-Orient – et en les amenant à la frontière d’où ils promettent un passage facile dans l’UE, pour se venger des sanctions occidentales visant le régime.  

Le Bélarusse a démenti cette accusation, reprochant plutôt à l’UE de ne pas accueillir les migrants.

« Nous avons du cœur »

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a déclaré vendredi à la BBC qu’il était « absolument possible » que ses forces aient aidé des personnes à passer dans l’UE, mais il a nié avoir orchestré l’opération.

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Le président biélorusse Alexandre Loukachenko

« Nous sommes des Slaves. Nous avons du cœur. Nos troupes savent que les migrants vont en Allemagne… Peut-être que quelqu’un les a aidés », a-t-il déclaré. « Mais je ne les ai pas invités ici ».

Bien que certains signes indiquent que la crise s’apaise un peu, les gardes-frontières polonais ont signalé dimanche de nouvelles tentatives de passage, notamment par un « groupe très agressif d’une centaine » de migrants.

Le ministre polonais de la Défense, Mariusz Blaszczak, avait estimé samedi que la Biélorussie avait changé de tactique en dirigeant des groupes de migrants plus petits vers plusieurs points de la frontière.

Les migrants ont tout abandonné dans leur pays, dépensant des milliers de dollars pour se rendre en Biélorussie avec des visas touristiques, déterminés à atteindre l’UE. Selon les médias polonais, au moins 11 migrants sont morts depuis le début de la crise, cet été.

Dimanche à Bahoniki, un village polonais proche de la frontière, un Yéménite mort de froid et d’épuisement en tentant de rejoindre l’UE a été enterré en présence de son frère dans le petit cimetière musulman local, aux côtés de deux autres migrants enterrés plus tôt dans la semaine.