(Sokolka) Les forces de sécurité polonaises ont fait usage de gaz lacrymogène et déployé des canons à eau pour repousser des migrants qui leur jetaient des pierres en tentant mardi de traverser la frontière à partir de la Biélorussie, qui a de son côté accusé la Pologne de vouloir « aggraver la situation ».

Environ 4000 migrants au total campent actuellement, selon les gardes-frontières polonais, dans le froid et des conditions qui se dégradent de jour en jour, le long de cette frontière.

Au lendemain d’un entretien téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel, le président biélorusse Alexandre Loukachenko a assuré plus tôt dans la journée vouloir éviter que la crise migratoire ne dégénère en « confrontation » avec ses voisins européens.

Les Occidentaux lui reprochent d’avoir orchestré depuis l’été des mouvements migratoires du Moyen-Orient vers les frontières orientales de l’Union européenne, ce qu’il dément.

Un face-à-face a débuté la semaine dernière près du point de passage entre les villages biélorusse de Bruzgi et polonais de Kuznica, où se sont rassemblées plusieurs centaines de personnes.

« Des migrants ont attaqué nos soldats et nos officiers avec des pierres et tentent de détruire la clôture », a indiqué sur Twitter le ministère polonais de la Défense. A Kuznica, « nos forces ont utilisé du gaz lacrymogène pour réprimer l’agression des migrants ».

Sept policiers, un garde-frontière et un soldat ont été blessés dans les affrontements, ont indiqué des responsables polonais, la police déclarant que des grenades assourdissantes et des grenades lacrymogènes avaient également été lancées sur les policiers.

Le ministère biélorusse de la Santé a lui déclaré qu’une vingtaine de migrants campant à la frontière avaient reçu une assistance médicale au cours des derniers jours, dont cinq personnes pour des problèmes oculaires et respiratoires au cours des dernières heures.

La Biélorussie a également déclaré qu’il mettait en place un « centre logistique » dans la région de Grodno, où les migrants pourraient dormir.

« Arrêter la souffrance »

La commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe s’est rendue dans la région mardi, appelant à une désescalade et à autoriser organisations humanitaires et médias à avoir un « plein accès » à la frontière.

« Nous devons trouver un moyen de désamorcer » la situation, a déclaré Dunja Mijatovic : « L’objectif est vraiment d’arrêter la souffrance ».

L’UE affirme que Minsk a organisé l’afflux de milliers de migrants aux frontières de la Pologne et de la Lituanie pour se venger des sanctions imposées après l’implacable répression de l’opposition depuis 2020.

« Le régime (du président) Loukachenko instrumentalise de manière inhumaine et éhontée les flux migratoires pour tenter de déstabiliser et de désunir l’Union européenne. C’est intolérable et inacceptable », a à cet égard dénoncé mardi le premier ministre français Jean Castex.

Bruxelles et Washington ont en conséquence annoncé lundi vouloir élargir dans les prochains jours les mesures punitives prises contre la Biélorussie.

« Personne n’a besoin d’escalade »

L’entretien de M. Loukachenko la veille avec Mme Merkel représentait un succès pour le dirigeant biélorusse au pouvoir depuis 1994, auquel les Occidentaux refusaient de parler depuis sa réélection décriée en août 2020.

Il a suite à ce coup de fil dit s’être mis d’accord avec Mme Merkel sur l’importance de désamorcer la crise. « Nous étions de la même opinion, selon laquelle personne n’a besoin d’escalade, ni l’UE ni la Biélorussie », a-t-il asséné.

Mais il a ajouté que leurs vues étaient « divergentes » sur la façon dont les migrants étaient arrivés en Biélorussie, et nié une fois de plus que son pays ait favorisé leur venue.

L’Irak a annoncé un vol de rapatriement prévu jeudi pour au moins 200 de ses ressortissants bloqués à la frontière, dont des femmes et des enfants.

Lundi, la compagnie aérienne biélorusse Belavia avait annoncé que Syriens, Irakiens, Afghans et Yéménites étaient désormais interdits de vol depuis Dubaï vers la Biélorussie. La Turquie a imposé les mêmes restrictions la semaine passée.

Sur le terrain, nombre de migrants, qui se sont souvent endettés pour payer le voyage, se disent déterminés à rester, malgré l’accès limité aux produits de première nécessité.

D’après des groupes caritatifs, au moins 11 d’entre eux sont morts de part et d’autre de la frontière depuis l’été.