Depuis le 2 août, la procréation médicalement assistée (PMA) est ouverte aux couples de femmes et aux femmes célibataires en France. Pour faire face à l’explosion du nombre de demandes, l’Agence de la biomédecine, qui encadre le processus, lance un appel au don de gamètes.

L’Agence de la biomédecine souhaite augmenter le nombre et la diversité des donneurs – majoritairement blancs actuellement – afin d’anticiper une pénurie et de réduire les délais d’attente pour la PMA, qui s’étendent de 6 à 18 mois.

« Nous sommes en plein embouteillage », lance Catherine Guillemain, présidente de la Fédération française des Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme (CECOS), qui gèrent les dons de gamètes. « Le nombre de demandes de PMA a explosé, on en a reçu plus en deux mois qu’en une année. »

En France, la PMA était auparavant réservée aux couples hétérosexuels avec des problèmes de fertilité ou souhaitant éviter de transmettre une maladie grave. Depuis la promulgation de la Loi relative à la bioéthique l’été dernier, qui élargit son accès aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires, ce sont environ 3500 nouveaux dossiers liés qui ont été déposés, selon le ministère de la Santé.

« Nous manquons de personnel », poursuit Catherine Guillemain, également responsable du service de biologie de la reproduction à l’hôpital de la Conception de Marseille. « Les CECOS se retrouvent pris en étau entre les directions d’hôpitaux qui tardent à embaucher du renfort et la pression des associations de patientes. »

Un acte de solidarité

En 2019, 317 hommes ont donné leur sperme et 836 femmes ont fait un don d’ovocytes. La procédure, qui dure en moyenne six mois, implique de nombreuses batteries d’examens, la vérification des antécédents médicaux, des prises de sang et des entretiens psychologiques. Les hommes doivent être âgés de 18 à 44 ans, et les femmes, de 18 à 37 ans. Contrairement aux États-Unis, le don de gamètes n’est pas rémunéré en France. Toutefois, les frais encourus par les donneurs et donneuses – comme le transport – peuvent être remboursés par la Sécurité sociale.

Frédéric Letellier a cofondé l’association Dons de gamètes solidaires afin d’accompagner les donneurs dans leur démarche. « Certains se demandent quand et comment en parler avec leur entourage ou un nouveau partenaire de vie, illustre-t-il. Il y a bien moins de documentation disponible pour les donneurs que pour les receveurs. »

PHOTO FOURNIE PAR FRÉDÉRIC LETELLIER

Frédéric Letellier, président de l’association française Dons de gamètes solidaires

Encouragé par sa compagne, il a lui-même fait un don de spermatozoïdes. « Nous n’arrivions pas à avoir d’enfant, témoigne M. Letellier. Vivre cette souffrance nous a donné envie d’aider d’autres personnes. »

Sylvain Pion, qui a également fait un don, estime qu’il est important de sensibiliser les gens à l’existence de cette procédure. « J’étais célibataire et je souhaitais donner la vie d’une manière ou d’une autre », raconte-t-il. Aujourd’hui, il ne regrette pas son choix et espère que son don a servi.

Le don d’ovocytes plus complexe

Le don d’ovocytes implique quant à lui un traitement hormonal ainsi qu’une ponction ovarienne. « C’est bien plus médicalisé que le don de spermatozoïdes, mais le risque de complications est très faible », assure Catherine Guillemain.

Caroline, qui n’a jamais voulu d’enfant, a fait un don d’ovocytes à deux reprises.

Je trouvais profondément injuste d’avoir cette possibilité alors que d’autres en crèvent d’envie.

Caroline, donneuse d’ovocytes

La jeune femme a respecté un calendrier précis pour les piqûres, les échographies et tous les autres rendez-vous de suivi. « Ça demande beaucoup de disponibilités, donc je recommande d’entamer la procédure de don sur une période de vacances ou d’inactivité », conseille-t-elle.

Le jour de sa première ponction d’ovocytes, Caroline se souvient d’avoir demandé à la sage-femme comment se sentait le couple de receveurs. « Elle m’a répondu qu’il ne se passait pas un jour sans qu’ils pensent à moi, raconte-t-elle, la voix chargée d’émotions. C’est le plus beau des remerciements. »

Droits des enfants

La Loi relative à la bioéthique prévoit également qu’à partir de septembre 2022, les donneurs acceptent que leur identité soit révélée aux enfants qui en font la demande, à la majorité. Ce changement survient dans un contexte où il est devenu bien plus facile d’établir des liens de filiation, notamment par les tests d’ADN offerts sur l’internet.

« Un anonymat strict persistera entre les donneurs et les receveurs », nuance Catherine Guillemain.

L’accès à l’identité des donneurs sera possible lorsque les paillettes [gamètes] distribuées proviendront des donneurs qui ont accepté cette nouvelle modalité. Pour le moment, ce n’est pas le cas.

Catherine Guillemain, présidente de la Fédération française des Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme

Sylvain Pion a longtemps réfléchi à cette question. « Pour l’instant, je suis ouvert à donner mon identité aux enfants nés de mon don, c’est normal qu’ils aient besoin de savoir d’où ils viennent », indique-t-il.

De son côté, Caroline est favorable à rencontrer l’enfant et à répondre à ses questions sans qu’il puisse connaître son nom. « C’est moi qui déciderai ensuite si je veux divulguer plus d’informations, dit-elle. Tel que la loi est faite actuellement, les donneurs sont un peu les dindons de la farce, car ils n’auront aucune information sur les intentions des enfants. »

Au Québec, le Code civil ne reconnaît aucune responsabilité ni aucun droit de parenté envers l’enfant issu d’un don de gamètes.

La procréation assistée au Québec

La Loi modifiant diverses dispositions en matière de procréation assistée, qui rend notamment la fécondation in vitro admissible à la RAMQ, entrera en vigueur d’ici la fin de l’automne au Québec. Le processus coûte présentement entre 10 000 et 18 000 $. Un seul essai sera couvert par la RAMQ, mais la mesure pourrait tout de même augmenter les délais de PMA.

987

Nombre d’enfants qui sont nés en France après une PMA avec don de sperme en 2019

409

Nombre d’enfants qui sont nés en France après une PMA avec don d’ovocytes en 2019

Source : Agence de la biomédecine