(Paris) Un tête-à-tête très attendu pour remettre sur les rails la relation transatlantique : Emmanuel Macron et Joe Biden se retrouvent vendredi à Rome pour la première fois depuis la crise des sous-marins australiens qui avait provoqué la colère de Paris.

À la veille du sommet du G20, les présidents français et américains se réuniront en fin de journée soit à l’ambassade de France, dans le prestigieux palais Farnèse, soit dans une autre emprise française de Rome comme la villa Médicis.  

« C’est donc que le président Macron recevra la visite du président Biden », ce qui a « un caractère politique important », souligne l’Élysée.

Pour Paris, c’est un signe de plus qu’envoie l’administration américaine pour se rabibocher avec la France après avoir déjà fait amende honorable en reconnaissant une certaine responsabilité dans la brouille.

Washington avait été visiblement surpris par la très vive réaction française à l’annonce mi-septembre d’une nouvelle alliance, baptisée « Aukus », entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni dans la zone indopacifique.  

Outre le fait de ne pas avoir été consulté, Paris avait été très dépité par la première conséquence de ce partenariat : l’abandon par l’Australie d’un mégacontrat de sous-marins français.

Mécontent, Emmanuel Macron avait attendu une semaine avant de s’entretenir avec Joe Biden le 22 septembre, une discussion téléphonique qui avait permis d’amorcer la détente. Les deux dirigeants avaient alors lancé un « processus de consultations approfondies » pour rétablir la confiance durement éprouvée entre les deux alliés.

La rencontre de Rome arrive à point nommé pour « démontrer que nous avons su négocier ensemble des éléments de coopération significatifs » qui « nous permettent de cadrer la relation franco-américaine pour la suite », affirme un conseiller du président français.

Selon l’expert Pierre Morcos, du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington, « Aukus va laisser des marques » mais « les deux pays semblent désireux d’avancer et de transformer cette crise diplomatique en une opportunité pour renforcer le partenariat bilatéral et rééquilibrer les liens transatlantiques ».

« Vertueux »

Pour Paris, l’important est, au-delà des promesses, d’obtenir des engagements concrets de la part de Washington.

Il cherche en particulier à obtenir la bénédiction des Américains à la création d’une véritable défense européenne, un projet cher aux Français, mais qui peine à prendre forme 30 ans après son lancement.

« L’essentiel », explique l’Élysée, est « de mettre tout le monde d’accord sur le fait qu’il n’y a pas de contradiction entre défense européenne et Alliance atlantique ». « Il est vertueux de pouvoir distribuer les rôles d’une telle manière que les Européens soient des acteurs collectivement plus capables, plus engagés, plus robustes, et que les Américains soient de leur côté des alliés toujours aussi fiables ».

Pour Paris, il est temps que l’ensemble des pays européens prennent la mesure du pivot stratégique opéré par les États-Unis vers l’Indo-Pacifique et la Chine, au détriment d’autres régions dont l’Europe ou le Moyen-Orient.

Le concept de « souveraineté européenne » cher à Emmanuel Macron suscite cependant une certaine méfiance dans plusieurs pays de l’UE, mais aussi aux États-Unis, où l’industrie de la défense cherche à défendre ses parts de marché sur le « Vieux continent ».

Un autre souhait d’Emmanuel Macron est d’obtenir de Joe Biden un renforcement de son appui dans la lutte contre les groupes djihadistes au Sahel. « Le soutien américain est critique », car « il nous permet d’opérer dans de meilleures conditions », souligne un conseiller du président.

Jusqu’à présent, les États-Unis n’ont pas publiquement détaillé comment ils entendaient « renforcer leur appui aux opérations antiterroristes », selon les termes du communiqué commun publié le 22 septembre après l’entretien Biden-Macron.

Depuis plusieurs années, les forces américaines agissent dans la discrétion au Sahel, laissant les pays de la région et la France en première ligne. Elles leur apportent surtout une aide précieuse à partir d’une importante base de drones implantée dans le nord du Niger.

Pour réchauffer les relations avec la France, l’administration Biden compte aussi sur la vice-présidente Kamala Harris, qui est attendue les 11 et 12 novembre à Paris, à l’occasion du Forum de Paris sur la paix et de la Conférence internationale sur la Libye. Elle sera reçue par Emmanuel Macron à l’Élysée.