(Londres) La défense de Julian Assange a insisté jeudi sur le risque de suicide du fondateur de WikiLeaks en cas d’extradition vers les États-Unis, malgré les assurances de Washington sur le sort qui lui serait réservé.

L’Australien de 50 ans risque 175 ans de prison aux États-Unis, où il est poursuivi pour avoir publié des centaines de milliers de documents classifiés.

Au deuxième jour de l’examen devant la Haute-Cour de Londres de l’appel américain, ses avocats ont plaidé que les nouveaux éléments apportés ne justifiaient aucunement de revenir sur le refus de l’extrader.

Pour essayer de convaincre les hauts magistrats londoniens, les États-Unis ont contesté mercredi le risque de suicide d’Assange.  

Ils ont insisté sur les assurances de Washington que Julian Assange ne serait pas incarcéré au redouté centre pénitentiaire ADX Florence, dans le Colorado, surnommé l’« Alcatraz des Rocheuses », et où sont détenus à l’isolement quasi total des membres d’al-Qaïda.

Les États-Unis espèrent faire annuler la décision de la juge Vanessa Baraitser, qui avait refusé l’extradition en raison du risque de suicide et de la détérioration de la santé mentale d’Assange dans le système judiciaire américain.

Pour appuyer sa décision, elle avait notamment mis en avant l’incapacité des États-Unis à empêcher le suicide du financier américain Jeffrey Epstein, accusé d’un trafic sexuel de mineures.

« Modérément déprimé »

« Ces conclusions découlent avant tout de la nature des troubles mentaux de M. Assange et sa crainte d’être extradé étant donné le caractère exceptionnel de son dossier », a déclaré l’avocat du fondateur de WikiLeaks, Edward Fitzgerald.

« Rien n’indique que ces facteurs aient aucunement changé avec ces assurances », a-t-il plaidé.

Julian Assange a refusé de comparaître jeudi, après avoir participé à une partie des débats en visioconférence depuis la prison de haute sécurité de Belmarsh où il est détenu depuis deux ans et demi.

Il a été arrêté par la police britannique en avril 2019 après avoir passé sept ans à l’ambassade d’Équateur à Londres, où il s’était réfugié alors qu’il était en liberté sous caution. Il craignait une extradition vers les États-Unis ou la Suède, où il a fait l’objet de poursuites pour viol, depuis abandonnées.

Il est poursuivi pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan.

Mercredi, l’avocat représentant le gouvernement américain, James Lewis, a assuré que Julian Assange ne présentait « aucun antécédent de maladie mentale grave et durable », affirmant que même les experts mandatés par sa défense ne le trouvaient que « modérément déprimé ».

« Boule de cristal »

Il a affirmé que l’Australien avait « toutes les raisons d’exagérer ses symptômes » et mis en garde contre une décision reposant sur des prédictions faites dans une « boule de cristal » concernant son sort en cas d’extradition.

Il avait également insisté sur le fait que le psychiatre Michael Kopelman a trompé la justice en « dissimulant » le fait que son client était devenu père de deux enfants avec son avocate Stella Moris alors qu’il était cloîtré à l’ambassade d’Équateur à Londres.

Selon l’avocat de Julian Assange,  les assurances apportées par les États-Unis n’excluent pas son incarcération dans une prison de très haute sécurité aux États-Unis et il n’existe « aucun fondement fiable » pour infirmer le refus d’extradition.

Il existe selon lui « un grand risque de suicide quelles que soient les mesures », a-t-il fait valoir, expliquant qu’« aucune erreur de droit n’a été identifiée » dans l’approche de la juge Baraitser.

À l’issue des débats, la Haute-Cour mettra sa décision en délibéré pendant plusieurs semaines. Mais la bataille judiciaire est loin d’être terminée.

Si les États-Unis obtiennent gain de cause, la décision de janvier sera annulée et la justice de nouveau amenée à trancher. Et, quel que soit le perdant, il a la possibilité de demander à saisir la Cour suprême britannique.