(Paris) Il est accusé d’avoir projeté des attentats contre des mosquées ou des personnalités politiques avec son groupuscule d’ultradroite. Dénonçant une « détermination sans faille », le parquet a requis mardi la peine maximale de dix ans de prison ferme contre Logan Nisin, ex chef de la « nouvelle OAS ».

Ce groupuscule Organisation des armées sociales (OAS), fondé à l’automne 2016 et démantelé en octobre 2017, voulait « recréer » l’Organisation armée secrète, groupe politico-militaire responsable d’une campagne sanglante contre l’indépendance de l’Algérie dans les années 1960.  

Son but était de « lutter contre l’immigration et l’islamisme », a résumé à la barre Logan Nisin, qui s’était attribué le rôle de « régent ».

Logan Nisin n’est pas seulement « un régent » mais un « monarque absolu dans son royaume de haine », affirme la procureure devant le tribunal correctionnel de Paris. « Sa haine est totale, illimitée, sa détermination est sans faille. Il crée, coordonne, pilote, planifie, pousse les autres à l’action, motive les troupes ».

Dans le box des prévenus, le jeune homme aujourd’hui âgé de 25 ans, sagement coiffé, l’écoute en gardant son visage dans les mains, clignant des yeux plusieurs fois, pris de tics.

Au cours des débats, Logan Nisin s’était défendu avec calme : son groupuscule nourrissait bien une idéologie d’extrême droite haineuse, était bien doté d’un fonctionnement structuré, mais ne serait jamais passé à l’acte. Une fois, il avait flanché, se décrivant comme « un monstre ».

« Montée en puissance »

Cinq autres jeunes hommes, tous accusés d’être des anciens membres de l’OAS, comparaissent à ses côtés pour « association de malfaiteurs terroriste ». À leur encontre, la procureure a requis des peines allant de cinq ans de prison, partiellement assortis d’un sursis, à huit ans de prison ferme.

Pour la procureure, les prévenus, âgés de 23 à 33 ans, étaient tout à fait au courant de « l’action violente dans sa forme extrême » à laquelle ils « adhéraient » en appartenant à l’OAS.

« Votre décision aura une portée significative », rappelle la procureure au président de la chambre : « il s’agit du premier dossier d’ultradroite jugé sur la vague de dossiers qui a été ouverte ces dernières années ».

Depuis 2017, six enquêtes liées à des projets d’attentats d’ultradroite, dont celle visant l’OAS, ont été ouvertes par le parquet antiterroriste. « La montée en puissance exceptionnelle de la menace portée par la mouvance d’ultradroite est une réalité concrète », insiste la procureure.

Organigramme, cérémonie de prestation de serment, plans d’extorsion d’entreprise pour acheter des armes, plans de fabrications d’explosifs, expéditions punitives programmées, séances de tir : la liste des éléments à charge retenus par l’accusation à l’issue de l’enquête est longue.

Terrorisme islamiste et d’ultradroite

À la barre, les prévenus ont tous assuré que leurs intentions présumées n’étaient que des mots. « Des propos dégueulasses » mais « rien de concret », a décrit Thomas Annequin, 23 ans, l’ancien numéro 2 « commandant de l’action locale ».

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Thomas Annequin.

« On était dans le monde des bisounours, des gamins », a même lâché lors de son interrogatoire Romain P., 33 ans, ex- « commandant de l’action discrète ».

« Un bal d’hypocrisie » répond la procureure. Thomas Annequin. est plutôt « l’éminence grise derrière le chef » selon elle : huit ans d’emprisonnement ferme requis. Et Romain Pugin, « la garde rapprochée » de Logan Nisin : six ans demandés. Les deux avec mandat de dépôt.

Le parallèle fait tout au long de ses réquisitions entre le terrorisme islamiste et celui d’ultradroite a fait bondir plusieurs avocats de la défense.

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Romain Pugin.

Décrivant « deux faces d’une même pièce fanatique », la procureure a exhorté le tribunal à « tirer » des enseignements de l’« action judiciaire face aux terroristes islamistes ».

Pour condamner les projets d’attaques d’ultradroite, « il faudra attendre qu’il y ait, quoi ? Cinq, dix, vingt, cinquante personnes tuées parce qu’elles vont prier dans une synagogue, une mosquée ? », demande-t-elle.

« Le comparatif avec Daech est faux […] et n’est que l’instrument du regret […] de ne pas avoir pu prévenir le terrorisme djihadiste », s’indigne Jean-François Morant, avocat de Louis M., contre lequel six ans d’emprisonnement ferme, avec mandat de dépôt, ont été requis.

Les plaidoiries se poursuivent mercredi après-midi. La décision, qui devait être rendue dans la foulée, sera finalement mise en délibéré.