(Paris) L’homme d’affaires français, Bernard Tapie, un temps érigé en symbole de la réussite sociale, ministre et président du club de soccer de Marseille avant d’être rattrapé par les ennuis judiciaires, est mort dimanche à 78 ans d’un cancer.

« Il est parti paisiblement, entouré de sa femme, ses enfants, ses petits-enfants et son frère, présents à son chevet », a annoncé sa famille dans un communiqué au groupe de presse La Provence, précisant qu’il serait inhumé à Marseille (sud), « sa ville de cœur ».

Tour à tour entrepreneur, présentateur d’émission télévisée, chanteur, président du club de soccer de l’Olympique de Marseille (OM), ministre, acteur ou encore patron de presse, Bernard Tapie est décédé à son domicile parisien.

Rue des Saint-Pères, au cœur de la capitale, des anonymes, souvent Marseillais d’origine et supporteurs de l’OM, lui rendaient hommage devant l’hôtel particulier qu’il possédait et où il est mort.

« J’avais besoin de venir ce matin, on s’y attendait mais ça fait quelque chose », disait Catherine, déposant quelques fleurs.  

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Un homme dépose un bouquet de fleurs sur un portrait de Bernard Tapie installé devant le Vélodrome de Marseille, le stade où évolue son ancien club l’OM.

Un « combattant »

Très rapidement une pluie de réactions a afflué. Le président Emmanuel Macron et son épouse se sont dits « touchés » par le décès d’un homme « dont l’ambition, l’énergie et l’enthousiasme furent une source d’inspiration pour des générations de Français ».

« Cet homme qui avait une combativité à déplacer les montagnes et à décrocher la lune ne déposait jamais les armes, et livra bataille contre le cancer jusqu’à ses derniers instants », ajoute un communiqué de l’Élysée.

Le premier ministre Jean Castex a lui aussi salué « un combattant », « très engagé contre l’extrême droite, mais surtout pour des causes, son club, sa ville, l’entreprise aussi. Bref un homme très engagé qui a tout donné et je crois qu’on l’a vu aussi contre la maladie ».

Au sommet de la gloire et du succès dans les années 1980, la fin de la vie de Bernard Tapie a été rythmée par la maladie et des soucis judiciaires.

Né le 26 janvier 1943 à Paris dans une famille d’origine modeste, celui qui était connu pour ses coups de gueule et sa gouaille a d’abord été un patron flamboyant et admiré, spécialisé dans le rachat d’entreprises en difficulté, avant de rétrograder au rang d’entrepreneur sulfureux.

L’homme a aussi fait de la politique : élu député des Bouches-du-Rhône (sud de la France) en 1989 sous la bannière de la majorité présidentielle du socialiste François Mitterrand, il a été conseiller régional, député européen et, pendant moins de deux mois, ministre de la Ville (avril-mai 1992).

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Bernard Tapie s’exprimant à l’Assemblée nationale alors qu’il était député des Bouches-du-Rhône, en 1994.

Son duel télévisé avec le chef du Front national (extrême droite) Jean-Marie Le Pen en 1989 a marqué les esprits.

Grand amateur de sports, « Nanard », ainsi qu’il était souvent désigné, a créé en 1983 une équipe cycliste qui recrutera Bernard Hinault, avant de reprendre trois ans plus tard l’OM, qui devient en 1993 le premier — et toujours seul — club français à remporter la prestigieuse Coupe d’Europe des clubs champions.

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Bernard Tapie pose avec la Coupe de la Ligue des champions, en 1993.

« Le Boss »

Pour de nombreux supporteurs marseillais, il est resté « Le Boss ».

C’est aussi à l’OM qu’éclate la première grande affaire qui le met en cause, celle du match truqué entre Marseille et Valenciennes, dite « VA-OM », pour laquelle il est condamné pour complicité de corruption et subornation de témoins et passe 165 jours en prison en 1997.

Il sera ensuite condamné dans d’autres dossiers, pour abus de biens sociaux et fraude fiscale notamment, qui aboutissent à sa mise en liquidation judiciaire et la perte de tous ses mandats.

Père de quatre enfants, il a en outre coiffé la casquette de patron de presse en acquérant, en 2012, les derniers titres du groupe Hersant et en dirigeant depuis le groupe La Provence.

L’affaire Adidas

Très affaibli, Bernard Tapie comparaissait encore en mai dernier devant ses juges dans un des volets de son conflit financier de près de trente ans avec la banque Crédit Lyonnais autour de la revente de l’équipementier sportif Adidas.

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Bernard Tapie a été un temps propriétaire d’Adidas.

La cour d’appel, saisie de l’arbitrage controversé rendu en 2008, depuis annulé au civil, qui lui avait octroyé 408 millions d’euros dans son litige avec le Crédit Lyonnais, devait se prononcer mercredi.

L’accusation avait requis cinq ans d’emprisonnement avec sursis à son encontre pour complicité d’escroquerie et détournement de fonds publics.  

Son décès entraîne la fin des poursuites pénales contre lui, mais pas contre ses coprévenus.  

En juin, il avait publié avec le journaliste Franz-Olivier Giesbert un livre en forme de testament, titré Bernard Tapie. Leçons de vie, de mort et d’amour, où il revenait notamment sur la « plus grosse » des « conneries » de sa carrière, la vente d’Adidas.