(Brighton) À la peine après un an et demi à la tête du Parti travailliste britannique, Keir Starmer s’est employé mercredi à convaincre ses troupes de sa détermination à déloger l’« illusionniste » Boris Johnson du pouvoir avec une ligne centriste assumée.

Malgré le bilan très lourd de la pandémie au Royaume-Uni (136 000 morts) et les pénuries frappant supermarchés et désormais stations-service, les travaillistes restent devancés dans les sondages par les conservateurs, au pouvoir depuis plus de 10 ans. Et son austère chef peine à affirmer son autorité et surmonter les luttes internes opposant le centre et l’aile gauche dont était issu son prédécesseur Jeremy Corbyn.

Sous pression, l’ancien avocat de 59 ans a livré sa vision pour le Royaume-Uni, revendiquant une approche favorable aux entreprises et ferme sur les questions de sécurité, lors d’un discours parfois chahuté en clôture du congrès de rentrée du Labour à Brighton (sud de l’Angleterre).

Rappelant ses origines modestes, avec un père ouvrier et une mère infirmière, il a assuré que le Labour était à même de répondre aux grands défis économiques post-pandémie, climatiques, d’emploi et de santé. Et de gagner les prochaines élections en 2024.

Il a attaqué de front le gouvernement conservateur, accusé d’« ignorer » la crise ayant laissé de nombreuses stations-service à sec, et d’éroder le pouvoir d’achat des Britanniques, tout en se montrant incapable de tirer les leçons de la pandémie.

« Ce gouvernement ne peut assurer au carburant de couler à flots, aux rayons d’être approvisionné, et vous avez vu ce que Boris Johnson fait quand il veut plus d’argent : il touche directement au portefeuille des travailleurs », a dénoncé Keir Starmer, en allusion à la hausse prévue des prélèvements sociaux.  

Le premier ministre est « un illusionniste » qui, maintenant que le Brexit a été réalisé, n’a plus aucun tour en poche, a-t-il accusé. « Ressaisissez-vous, ou dégagez et laissez nous intervenir et remettre de l’ordre », a-t-il insisté sous les applaudissements.  

Fractures

Avec ce discours d’une heure et demie, dont il avait été privé l’an dernier par la pandémie, Keir Starmer espérait faire taire les critiques lui reprochant un cap peu clair, peu à même de mettre fin à une série noire de défaites électorales.  

« Jamais, sous ma direction, nous ne nous présenterons à une élection avec un programme qui ne constitue pas un projet sérieux de gouvernement », a-t-il déclaré, dans une attaque à peine voilée à son prédécesseur Jeremy Corbyn, parti après la débâcle des législatives de 2019, la pire en 85 ans.  

Assumant une ligne centriste, il a dit vouloir réconcilier les citoyens avec l’économie, présentant les entreprises comme des partenaires et promettant de supprimer les taxes locales pour les commerces frappés par la pandémie.  

Outre des investissements massifs en faveur du climat, le recrutement de milliers d’enseignants et des sanctions alourdies pour les agresseurs sexuels, le travailliste s’est aussi engagé, après le Brexit, à « réparer » les alliances internationales d’un Royaume-Uni « isolé ».

« C’est un discours que les membres du Labour peuvent relayer lors des porte-à-porte », a estimé auprès de l’AFP Jonathan Ashworth, un ténor du parti.  

Pour Becky Gittins, 26 ans, conseillère de la ville de Coventry, le chef de l’opposition offre « un alternative réelle et crédible aux conservateurs […] tout en restant proche des valeurs travaillistes ».

Les milieux économiques ont salué l’approche de Keir Starmer, les Chambres de commerce britannique demandant toutefois « des propositions concrètes et chiffrées ».

Mais ce premier discours a aussi été régulièrement chahuté par le public, signe des profondes fractures qui persistent au sein du Labour.  

Le courant passe particulièrement mal avec l’aile gauche, restée fidèle à Jeremy Corbyn. Plus modéré, Keir Starmer se l’est mise à dos durant le congrès avec sa réforme de la procédure de désignation du chef du parti, ou en revenant sur un engagement de nationaliser les géants de l’énergie.  

« Il a été à la traîne dans 150 sondages sauf un. Il parle de gagner, mais je ne pense pas qu’il puisse. Un discours ne changera rien », déplore George Aylett, étudiant en politique de 25 ans et partisan de Jeremy Corbyn.  

Mais entre le premier ministre ou le leader travailliste, le choix est simple, estime une autre militante, Sylvie Knight. « La dernière chose que nous voulons, c’est d’avoir à nouveau Boris Johnson ».