(Vresse-sur-Semois) « Le jour où j’aurai peur de rentrer dans la mine, j’arrêterai ». Vincent Théret, 61 ans, exploite depuis près de dix ans, tout seul, une carrière souterraine de schiste dans les Ardennes belges qui avait fermé en 1948.

Dans cette impressionnante cavité aux airs de cathédrale, sur les hauteurs du village d’Alle-sur-Semois, il récupère les déchets laissés de côté par les mineurs qui extrayaient l’ardoise. Puis « revalorise » ce schiste emblématique de la région, pour en faire des dalles, des éviers, des margelles pour piscines…

À l’intérieur de la galerie, humide et sombre, éclairée par des projecteurs, il manie son excavatrice pour charger des tonnes de pierres.

« Il faut être prudent, on ne rentre pas là-dedans comme on va à la foire », lâche-t-il, racontant avoir un jour en arrivant sur place retrouvé par terre un bloc de 500 tonnes qui s’était détaché de la paroi.

« J’écoute la mine, les gouttes d’eau qui tombent de la voûte, les craquements. Il faut écouter, il faut observer », explique celui qui a d’abord été maçon, puis travaillé dans une carrière à ciel ouvert avant de redonner vie en 2012 à cette ancienne mine d’ardoise.

Sur le site, une autre ancienne galerie a été aménagée pour les visites touristiques, pour raconter le quotidien des mineurs de l’époque, dont l’activité a cessé à cause de la concurrence des ardoises étrangères.

Des mineurs auxquels Vincent Théret dit penser « tous les jours », en exploitant leurs rebuts. « Ce qu’ils me donnent là, c’est géant ».

« La bonne pierre, on va la chercher au fond, c’est pour cela que les mineurs descendaient si profond », poursuit-il, « plus vous descendez, plus la pierre a de l’humidité et plus elle est belle, et de qualité ».

Cette qualité, il la reconnaît notamment à l’oreille. « Une pierre qui est bonne sonne, c’est comme une note de musique », dit-il.

Dans les entrailles de la roche, celui qui est parfois appelé « le dernier mineur de schiste » de Belgique travaille seul. Il n’a « plus le temps d’apprendre » le métier à quelqu’un, et continuera « tant que (sa) santé le permettra ».

Après avoir été chargée dans sa machine, la matière brute est transportée vers une aire extérieure où Vincent Théret fait le tri.  

Une partie sert à faire des copeaux de schiste, destinés aux jardins. Certaines pierres deviendront des tables, des stèles funéraires, des dalles, des éviers, etc. Des pièces qu’il réalise à la commande, dans son atelier, à une dizaine de kilomètres de là.

Depuis quelques années, il s’est aussi mis à la sculpture, encouragé par une cliente.

Sa satisfaction, c’est de travailler le schiste ardoisier « de A à Z » : « avoir un bloc de 3-400 tonnes, le fendre, le débiter, le scier, le façonner, et avoir un retour de mes clients qui me disent “M. Théret, les pierres sont magnifiques” ».