(Moscou) Un physicien russe, détenu pour « trahison », a dénoncé mardi les poursuites visant « d’éminents scientifiques » pour des accusations controversées d’espionnage au profit de puissances étrangères, qui se sont multipliées en Russie ces dernières années.

Ces affaires sapent la coopération internationale et « décapitent les instituts, provoquant une fuite réelle de jeunes cerveaux et des spécialistes qualifiés, qui ne veulent pas se retrouver en prison », écrit Valeri Goloubkine, 69 ans, dans une lettre ouverte dont l’AFP a pu consulter une copie.

Arrêté en avril

Valeri Goloubkine, arrêté en avril, est enseignant en aérohydrodynamique des grandes vitesses à l’Institut de physique et de technologie de Moscou (MFTI), l’un des meilleurs établissements scientifiques de Russie, et employé de l’institut spécialisé dans ces technologies TsAGI.

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Ivan Safronov, un ex-journaliste devenu adjoint du directeur de l’agence spatiale russe Roscosmos, détenu pour suspicion de trahison, dans la cage de l’accusé avant une audience au tribunal à Moscou, Russie, le 7 juillet 2020. Selon M. Safronov, le système répressif est tel que « toute personne ayant eu un contact avec un étranger » peut potentiellement être accusée de « trahison » en Russie.

Selon son avocat, il n’a participé qu’à des projets de « coopération internationale classique » et n’a commis aucune trahison.

« De plus en plus de scientifiques refusent des partenariats internationaux […] ce qui cause un dommage réel à la sécurité du pays, entre autres », poursuit le physicien dans cette lettre, dont un extrait a été publié par son avocat, Ivan Pavlov.

Un autre employé du TsAGI, Anatoli Goubanov, a également été arrêté en décembre, accusé d’avoir transmis des informations classifiées aux services de renseignement d’un pays européen.

Tous deux ont participé notamment à un projet international destiné à créer un avion passager à grande vitesse.

Des procès à huis clos

Les procès pour « espionnage » ou « haute trahison », toujours tenus à huis clos et dont les détails sont secrets, se sont multipliés ces dernières années en Russie, les autorités affirmant régulièrement déjouer des complots ou des opérations des Occidentaux.

En août, un scientifique à la tête d’un institut de recherche spécialisé dans les technologies hypersoniques a été arrêté, accusé d’avoir transmis à un « citoyen étranger » des « informations secrètes » liées à ses recherches.  

Une autre affaire d’espionnage controversée implique l’ex-journaliste Ivan Safronov, spécialisé dans les questions de défense, qui clame son innocence.

Dans un article paru en juillet, il a dénoncé l’arbitraire des services de sécurité et de la justice qui cautionne ces affaires. Selon M. Safronov, le système répressif est tel que « toute personne ayant eu un contact avec un étranger » peut potentiellement être accusée de « trahison » en Russie.