(Bruxelles) Les Vingt-Sept de l’UE se sont engagés mardi à soutenir les pays voisins de l’Afghanistan pour accueillir dans la région les réfugiés fuyant les talibans, afin d’éviter un afflux migratoire jusqu’en Europe, qui ne s’est toutefois pas produit jusqu’à présent.

« Nous n’avons pas vu d’arrivées importantes d’Afghans dans les pays voisins, mais nous ne savons pas ce qui va se passer dans une semaine ou dans un mois, et nous devons nous préparer à différents scénarios », a déclaré la commissaire européenne Ylva Johansson à l’issue d’une réunion des ministres de l’Intérieur. Lors de cette rencontre, plusieurs pays ont insisté sur la nécessité de stricts contrôles pour prévenir un éventuel risque terroriste.

Le ministre allemand Horst Seehofer a estimé qu’il fallait faire en sorte que les migrants « restent près de chez eux et de leur culture », soulignant toutefois que les « personnes particulièrement menacées » devraient pouvoir venir dans l’UE.

Lors de la crise de 2015, l’Allemagne avait été à la pointe de l’accueil des Syriens fuyant la guerre, en ouvrant ses portes à plus d’un million de demandeurs d’asile. L’ONU s’attend pour 2021 à un demi-million de réfugiés afghans supplémentaires.

Pour le ministre autrichien Karl Nehammer, sur une ligne très ferme aux côtés de ses homologues danois et tchèque, « le message à envoyer » est : « restez sur place et nous soutiendrons la région ».

La France a insisté sur la « cohérence entre l’accueil de réfugiés et la fermeté des contrôles », par la voix de Gérald Darmanin. L’objectif est d’« aider tous ceux qui nous ont aidés, sont pourchassés par les talibans, mais ne pas accepter une immigration qui ne serait pas contrôlée », a-t-il dit.

Aide « sur mesure »

La Commission européenne est appelée à présenter des propositions pour soutenir ces pays voisins, comme le Pakistan et le Tadjikistan, dans le cadre du budget européen. Cette aide proviendrait notamment d’une enveloppe de 80 milliards d’euros prévue sur 2021-2027.  

Ylva Johansson a estimé que ce soutien devait être « taillé sur mesure », et « pas un copier-coller » de l’accord assorti d’un soutien financier signé avec la Turquie en 2016 sur les réfugiés syriens.

« Le meilleur moyen d’éviter une crise migratoire est d’éviter une crise humanitaire », a insisté Ylva Johansson. « C’est pourquoi nous devons soutenir les Afghans en Afghanistan » par le biais des organisations internationales « sur le terrain », a-t-elle ajouté. L’UE a déjà annoncé le quadruplement de son aide humanitaire pour 2021 à 200 millions d’euros à l’Afghanistan et aux pays voisins.

La commissaire a indiqué que l’UE était « loin de reconnaître les talibans ». « Si les talibans s’avèrent être le même genre de talibans que par le passé, il y a un risque énorme de crise humanitaire », a-t-elle reconnu, soulignant que l’UE avait posé de strictes conditions pour dégeler son aide au développement à ce pays.

Aucun engagement chiffré de la part des États membres pour accueillir des réfugiés n’a été annoncé mardi. Un forum sur les « réinstallations » de réfugiés afghans sera organisé en septembre, a annoncé la commissaire, qui n’a toutefois pas annoncé d’objectif quantifié.

« S’en laver les mains »

L’accueil des migrants est un sujet hautement sensible dans l’UE, qui n’arrive pas à se mettre d’accord pour réformer son système d’asile.

Dans leur déclaration finale, les États membres promettent aussi de « faire leur maximum pour garantir que la situation en Afghanistan ne mène pas à de nouveaux risques sécuritaires pour les citoyens de l’UE » et mettent l’accent sur « l’exécution des contrôles de sécurité des personnes évacuées ».

« Nous devons prendre garde à ce que des personnes renvoyées de pays européens parce qu’il s’agissait de criminels, de violeurs ou autres ne reviennent pas sous le couvert de demandeurs d’asile », a commenté le ministre slovène Ales Hojs.

Le ministre luxembourgeois Jean Asselborn a déploré que la politique migratoire européenne aille « dans la mauvaise direction », appelant l’UE à « établir des programmes de réinstallation (de réfugiés) pour donner espoir aux gens qui sont poursuivis, qui ne peuvent plus vivre normalement en Afghanistan ».  

Oxfam a pour sa part accusé les gouvernements européens de « se laver les mains de leur obligation internationale d’offrir un refuge à ceux qui cherchent la sécurité et de s’en décharger sur d’autres pays ». Amnistie internationale a aussi exhorté l’UE à ne pas « reporter la responsabilité de la protection des réfugiés sur des pays tiers ».