(Paris) Ils ont vécu l’enfer de la réanimation, le coma, puis la rééducation et souffrent encore des séquelles physiques et psychologiques de la COVID-19. Rescapés du virus, ils rêvent moins du monde d’après que de leur vie d’avant et sont devenus des militants de la vaccination.

« Ça fait plus d’un an et je ne m’en suis toujours pas remis totalement » : Hugues, 23 ans, a vécu le « cauchemar » de la réanimation. Depuis, comme d’autres rescapés, il s’efforce de sensibiliser à l’importance du vaccin.

PHOTO SÉBASTIEN SALOM-GOMIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des militants antivaccin s’en prennent à un homme qui tenait une pancarte sur laquelle était écrit « Sauvez des vies, faites-vous vacciner », lors d’un défilé contre la vaccination obligatoire à Nantes, dans l’ouest de la France, le 14 août 2021.

« Quand je tombe sur des personnes qui ne veulent pas se faire vacciner, je suis plus dans la pédagogie que dans le pathos », explique cet élève ingénieur hospitalisé en avril 2020, dont le séjour en réanimation a été très médiatisé vu son jeune âge (21 ans alors).

Souffrant au départ de « simples symptômes grippaux », il s’est retrouvé alité pendant dix jours relié à une machine délivrant de l’oxygène à haut débit. Une myocardite aiguë et une embolie pulmonaire ont eu de lourdes conséquences respiratoires : à son grand désarroi, Hugues, qui avait une santé de fer, ne peut plus pratiquer de sport.

Les séquelles sont aussi psychologiques. « Avec la COVID-19, certaines personnes ont vécu des formes de terreur qu’on n’avait pas vues chez d’autres patients en réanimation », explique le Pr Didier Cremniter, psychiatre.

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Une militante antivaccin tient la pancarte incitant à la vaccination qu’elle vient d’arracher à un contre-manifestant, pendant que ce dernier se fait tabasser par deux hommes, lors d’un défilé contre la vaccination obligatoire à Nantes, dans l’ouest de la France, le 14 août 2021.

Ce fut le cas pour Hugues, à qui on a diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique qui se traduit par des crises de panique et des cauchemars dans lesquels il entend le bruit des appareils de réanimation.

« J’essaye avant tout de renseigner des personnes qui seraient réticentes à se faire vacciner en leur envoyant des articles ciblant les fake news ou des liens vers des comptes Twitter de personnes plus compétentes », détaille-t-il.

« Si le vaccin avait existé à l’époque, j’aurais peut-être évité tous ces problèmes, donc c’est pour ça qu’il faut le faire », plaide le jeune homme.  

La pédagogie, c’est aussi l’approche choisie par Cindy Bonnefoi, 35 ans, qui a passé dix jours en réanimation en novembre, dont quatre jours en coma artificiel.

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Six hommes s’en prennent à un homme qui tenait une pancarte sur laquelle était écrit « Sauvez des vies, faites-vous vacciner », lors d’un défilé contre la vaccination obligatoire à Nantes, dans l’ouest de la France, le 14 août 2021.

Depuis, « je n’ai plus ma forme d’avant et je suis traumatisée : j’ai fait un gros “bad trip” durant lequel j’ai mordu un infirmier et je ne peux plus écouter les pubs des radios, car ça tournait en boucle dans ma chambre », confie-t-elle.

« Puisque certains ne croient pas mon témoignage, je privilégie l’information. Je montre les études qui prouvent que les vaccins protègent des formes graves et les chiffres, comme la part majoritaire des non-vaccinés en réanimation », explique-t-elle. Selon des chiffres officiels, 87 % des entrées en soins critiques en France fin juillet concernaient des personnes non vaccinées.

Délires hallucinatoires

Avec des séquelles plus importantes, Philippe, 45 ans, espère de son côté que les détails « chocs » de son témoignage parviennent à convaincre.

Plongé dans un coma artificiel pendant neuf jours début avril, il s’est réveillé avec du diabète, de l’hypertension, une insuffisance rénale et des délires hallucinatoires qui l’ont « convaincu que tout le monde voulait (le) tuer ».

Il dit réapprendre « petit à petit à marcher, à l’aide d’un déambulateur ».

Plus des deux tiers des patients sortent de réanimation avec des séquelles physiques, toujours présentes un an plus tard pour 50 % d’entre eux, selon Serge Carreira, chef de la réanimation de l’hôpital Saint-Camille à Bry-sur-Marne, près de Paris.

« Si j’avais été vacciné, j’aurais divisé par dix le risque de faire une forme grave », affirme Philippe.

« On ne peut pas se permettre d’attendre pour “avoir plus de recul”, l’enjeu de la vaccination, c’est maintenant », martèle-t-il.

Il n’hésite pas à mettre en avant la réalité parfois « trash » de son expérience : « J’ai raconté qu’on se fait en permanence dessus en réa et qu’au moins 30 personnes différentes m’ont nettoyé durant mon séjour. Pour certains, ça a été un déclic, ils ne voulaient pas que ça leur arrive à eux ».

Entre le début de l’épidémie au premier trimestre 2020 et la mi-août 2021, près de 90 000 passages en réanimation ont été enregistrés dans les hôpitaux français, selon des statistiques officielles.