(Paris) Les Français ont pris d’assaut les sites de rendez-vous médicaux après les annonces d’Emmanuel Macron rendant obligatoire la vaccination des soignants et assimilés et décidant d’un pass sanitaire étendu à la plupart des lieux publics pour contrecarrer le variant Delta.

Bars, restaurants, centres commerciaux et transports (sauf le transport local) seront soumis à ce pass (vaccination, test négatif, certificat de rétablissement), ainsi que les lieux culturels comme les cinémas.

Le gouvernement s’inquiète de la progression du variant Delta, deux fois plus contagieux, alors que le nombre de cas positifs a bondi à près de 7000 mardi soir, un niveau plus vu depuis le début juin. Ce chiffre pourrait flamber à 35 000 nouvelles contaminations début août en l’absence d’efforts pour limiter la circulation du virus, selon une récente modélisation de l’Institut Pasteur.

L’effet des annonces du président a été immédiat. Plus de 1,7 million de rendez-vous ont été pris en moins de 24 heures sur le seul site Doctolib.

« Il n’y a pas d’obligation vaccinale [pour tous], il y a une incitation maximale », a souligné le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, « satisfait de voir que le message du président de la République a été entendu ».

Le taux d’incidence du virus (nombre de personnes testées positives sur 100 000 habitants) a déjà plus que doublé entre la fin juin et actuellement, à 37,4 (contre 15 pour 100 000).

Pour faire pression sur les non-vaccinés, le gouvernement a choisi d’étendre le pass sanitaire, jusque-là prévu pour les rassemblements de plus de 1000 personnes.  

Dérogations

À partir du 21 juillet, il sera nécessaire pour les « lieux de loisirs et de culture », y compris les parcs d’attractions. Cinémas et théâtres, dont le Festival d’Avignon, ont protesté contre une mesure imposée avec dix jours d’avance sur d’autres secteurs.

Les cafés, restaurants, centres commerciaux, et tout leur personnel, auront ainsi jusqu’au début août pour s’organiser. Même chose pour les transporteurs (avions, trains ou autocars de longs trajets), ainsi que pour les établissements médicaux. Les lieux de culte en seront exemptés.

Le gouvernement va toutefois mettre en place des dérogations pour les 12-17 ans, a annoncé le ministre de la Santé Olivier Véran mardi soir sur France 2. Ils auront jusqu’au 30 août avant de devoir présenter le pass sanitaire. Une mesure qui vise à « ne pas gâcher les vacances des familles ». Les salariés des établissements qui reçoivent du public bénéficieront eux aussi d’une tolérance jusqu’à cette même date.

Autre changement annoncé : la vaccination sera reconnue comme complète en France, dans le cadre du pass sanitaire, une semaine après l’injection de la 2e dose, et non plus deux.  

Comme l’ont réclamé de nombreux experts et responsables politiques, la vaccination deviendra obligatoire pour les personnels soignants et non soignants des hôpitaux et maisons de retraite, les professionnels et bénévoles auprès des personnes âgées, y compris à domicile, ainsi que les pompiers ou les ambulanciers. Mais pas pour les policiers et les gendarmes.

Quelque 4 millions de personnes sont concernées dont 1,5 non vaccinées, selon M. Attal. Elles auront jusqu’au 15 septembre pour le faire, sous peine de « sanctions » pouvant aller de la suspension du contrat de travail, à la mise à pied, voire à un licenciement.

« Dictature sanitaire »

« On a des personnels qui ont beaucoup souffert et le ton employé par le président, la façon de faire, étaient vraiment les pires qui pouvaient être choisis », a réagi Corinne Delys, secrétaire générale CGT à l’hôpital de Creil (Oise), inquiète que ces annonces accentuent la « fuite des personnels » hospitaliers. Les organisations professionnelles, dont l’ordre des infirmiers, ont cependant unanimement salué ces annonces.

Les autorités vont également renforcer le dispositif « aller vers » pour vacciner les personnes âgées (plus de 80 ans notamment), les plus de 60 ans, et les personnes jeunes à risque, dont celles souffrant d’obésité, dont seules 50 % sont protégées.  

Pour une mise en œuvre la plus rapide possible, le Parlement siégera en session extraordinaire à partir du 21 juillet.

L’écrasante majorité des forces politiques ont approuvé la vaccination obligatoire pour les soignants et assimilés, à l’exception de LFI où Jean-Luc Mélenchon a dénoncé un « abus de pouvoir » et que la cheffe du RN Marine Le Pen a qualifié de « brutalité indécente ».  

Certains juristes ont critiqué des mesures « disproportionnées » et attentatoires à plusieurs libertés fondamentales, mais les constitutionnalistes ont rappelé l’obligation faite à l’État de protéger la santé publique.

Les annonces du chef de l’État ont également électrisé la mouvance « covido-sceptique » qui dénonce depuis des mois une « dictature sanitaire ».

M. Attal a dit avoir « du mal à entendre, dans un pays où vous avez déjà 11 vaccins obligatoires », que l’incitation à se vacciner pour éviter à nouveau des « restrictions sur les libertés des Français, soit vue comme une dictature ».