En dépit de l’avis des experts et de la résurgence des cas, le premier ministre annonce la levée définitive des restrictions au Royaume-Uni

Boris Johnson garde le cap. Malgré l’avis des scientifiques, qui redoutent une quatrième vague épidémique, le premier ministre du Royaume-Uni a annoncé lundi qu’il prévoyait lever les dernières restrictions sanitaires le 19 juillet.

À compter de cette date, le port du masque et la distanciation physique ne seront plus obligatoires, les discothèques rouvriront leurs portes après 16 mois de fermeture, le télétravail deviendra optionnel et l’on n’aura plus à montrer patte blanche pour entrer dans un restaurant ou un bar.

Les modifications s’appliquent à l’Angleterre, mais elles seront largement similaires dans les autres régions du Royaume-Uni (Écosse, pays de Galles et Irlande du Nord), qui suivent leurs propres feuilles de route.

Boris Johnson reconnaît que ces assouplissements pourraient favoriser une hausse du nombre de cas de COVID-19 au pays, mais il invite les Britanniques à faire preuve de « responsabilité personnelle » afin de pallier les répercussions de la fin des restrictions.

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Boris Johnson, premier ministre du Royaume-Uni

« Je tiens à souligner d’emblée que cette pandémie est loin d’être terminée », a-t-il déclaré, prédisant que le nombre de cas quotidiens pourrait atteindre 50 000 d’ici le 19 juillet. Il a ajouté que les Britanniques devraient « apprendre à vivre avec le virus ».

Ce message sera bien accueilli par les législateurs sceptiques du confinement au sein du Parti conservateur au pouvoir de M. Johnson, qui affirment que les dommages économiques et sociaux des restrictions sont plus importants que les avantages pour la santé publique, et par la presse populiste britannique, qui a surnommé le 19 juillet « jour de la liberté ».

Mais le message est loin de faire l’unanimité dans la communauté scientifique. Car le nombre de cas de COVID-19 ne cesse d’augmenter depuis que le pays a entamé son déconfinement à la fin d’avril, avec l’ouverture progressive des bars, des restaurants et des commerces non essentiels. Une résurgence attribuable à l’incontrôlable prolifération du variant Delta et au fait que seuls 50,3 % des Britanniques ont reçu jusqu’ici leurs deux doses de vaccin.

Le Royaume-Uni a ainsi enregistré dimanche plus de 24 000 nouveaux cas en 24 heures, soit 6000 de plus que la veille et 16 000 de plus qu’une semaine plus tôt, même si le nombre des morts se stabilise autour de 20 par jour.

Le nord-est de l’Angleterre semble particulièrement touché, alors qu’on enregistrait la semaine dernière des hausses de 131 à 195 % du nombre des cas d’infection dans les régions de Sunderland et de South Tyneside.

De nouvelles « usines à variants »

D’où l’inquiétude de la communauté scientifique et des responsables de la santé, qui dénoncent cette levée prématurée des mesures sanitaires et exhortent les décideurs à plus de prudence.

En entrevue avec The Guardian, la professeure Susan Michie, de la University College of London, a souligné que le fait de « permettre la montée des transmissions communautaires équivalait à construire de nouvelles “usines à variants” très rapidement ».

Avertissement partagé par Stephen Reicher, de l’Université de St. Andrews, qui s’en est directement pris au nouveau responsable de la Santé, Sajid Javid, en fonction depuis le mois de juin.

Il est terrifiant d’avoir un secrétaire d’État à la Santé qui semble si peu préoccupé par les niveaux d’infections et qui veut se débarrasser de toutes les protections alors que seulement la moitié d’entre nous sommes vaccinés.

Stephen Reicher, professeur à l’Université de St. Andrews, dans les médias britanniques

Quoi qu’on en pense, il est évident que la décision de Johnson est avant tout « politique », estime Christopher Stafford, de l’Université de Nottingham.

Selon le politologue, le premier ministre du Royaume-Uni — qui compte plus de 128 200 morts liées à la COVID-19 jusqu’ici — ne veut plus courir le risque de contrarier les électeurs, sachant que la population n’a plus de tolérance envers les confinements.

« Il y a l’argument qu’il vaut mieux assouplir les règles pendant l’été plutôt que d’attendre à l’automne, quand l’école reprendra et que la saison de la grippe recommencera. C’est un bon point, mais je crois que, pour Johnson, il s’agit avant tout d’un pari politique », conclut M. Stafford.

« Il espère tout simplement que le contrecoup lié aux futures morts de la COVID-19 sera moins grand que s’il y avait eu davantage de règles sanitaires. »

Le virus s’invite à l’Euro

L’Euro sera-t-il l’incubateur d’une reprise épidémique en Europe ?

Malgré toutes les précautions prises pendant les matchs (vaccin ou test négatif obligatoires), les organisateurs du championnat de soccer font actuellement face à une flambée de COVID-19 chez les partisans, qui se déplacent de stade en stade pour soutenir leur équipe.

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Des amateurs au match de l’Euro présenté le 29 juin au stade de Wembley

Près de 2000 partisans écossais ont ainsi reçu un test positif au coronavirus après avoir assisté à un ou plusieurs matchs entre les 11 et 18 juin, tandis que 300 partisans finlandais ont été infectés après un match contre la Russie le 16 juin.

On aurait pu durcir les règles pour les demi-finales et la finale, qui auront lieu cette semaine à Londres. Mais l’Union européenne des associations de football permettra que 60 000 spectateurs s’entassent dans les gradins du stade de Wembley.

Une situation qui inquiète vivement l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le directeur de l’OMS Europe a récemment dit « ne pas exclure » que l’Euro joue un rôle de « supercontaminant » de la COVID-19 dans le Vieux Continent.

Avec l’Agence France-Presse