(Paris) Pas assez radicale, trop verticale ? Le recul du Rassemblement national aux élections régionales de dimanche prive Marine Le Pen de pouvoir montrer sa capacité à gouverner et nourrit les critiques tant sur sa « banalisation » que sur le fonctionnement interne de son parti.

Le RN n’a gagné aucune région et cède des voix partout par rapport à 2015, sur fond d’abstention massive. Il échoue à remporter la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), où son candidat « d’ouverture », l’ex-LR Thierry Mariani, a réuni au final 42,7 % des voix, contre 57,3 % pour le LR Renaud Muselier.

Recul même dans son fief

Le RN recule le plus fortement dans son fief des Hauts-de-France, ainsi qu’en Auvergne-Rhône-Alpes et en Occitanie.

Il n’a pas non plus remporté de département et a perdu la moitié de ses cantons (passés de 27 à 13), Marine Le Pen obtenant une maigre consolation à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais).

Le vœu de la candidate à l’Élysée était pourtant de faire élire de nombreux candidats aux municipales de 2020 puis aux départementales et aux régionales, comme autant de paliers pour grimper la paroi jusqu’à la présidentielle.

Il s’agissait de montrer que le RN était devenu, grâce au « rassemblement » porté dans son nouveau nom, duquel a été effacé le mot « front », un parti de « gouvernement » et pas seulement de « contestation ».

Implantation

Or le RN a perdu 44 % de ses élus aux municipales l’an dernier, malgré sa victoire à Perpignan, et cette fois il perd 30 % de ses conseillers régionaux (passés de 358 à 252). Il a en outre perdu 28 % de ses élus en cours de mandat, qui ont démissionné ou fait scission comme dans les Hauts-de-France ou les Pays de la Loire.

Selon l’historien Nicolas Lebourg, le RN a, malgré le souhait affiché de sa présidente, négligé son implantation locale, considérée comme « secondaire par rapport à l’aventure présidentielle ».  

« Échec de la politique d’exclusion, d’ouverture à gauche et de parachutages », a dénoncé lundi une conseillère régionale sortante des Pays de la Loire, Barbara Mazières.

Dans les Deux-Sèvres, le bureau restreint du RN avait démissionné entre les deux tours, dénonçant une « stratégie perdante » tant locale, avec des têtes de liste parachutées, que nationale, avec un parti devenu « lisse » et « consensuel ».

Le maire de Moissac Romain Lopez, ancien assistant parlementaire de Marion Maréchal, considère que la « ligne de synthèse » de Marine Le Pen est la « bonne », mais qu’il faut « revoir » la direction.

Éric Zemmour en embuscade ?

« Le RN ne fait plus rêver », a estimé lundi l’ancien délégué aux Études du RN, Jean Messiha, qui avait quitté le parti pour son monolithisme, l’accusant de refuser tout « courant » en son sein.

L’eurodéputé Gilbert Collard estime « qu’on n’a pas à lisser nos idées » face à une possible candidature en 2022 du polémiste Éric Zemmour, qui a accusé Marine Le Pen lundi d’avoir « purgé » ses opposants, d’être « loin de sa base » et d’avoir « tellement édulcoré son discours […] que les électeurs ne se reconnaissaient plus ».

Comme un pas de plus vers une candidature, des soutiens d’Éric Zemmour ont collé dans plusieurs villes, dans la nuit de dimanche à lundi, des affiches avec le slogan « Zemmour président ».

« Voilà un lendemain d’élection qui chante », s’est réjoui à cet égard le maire d’Orange Jacques Bompard.

Le RN « continue à faire peur »

À l’inverse, le maire de Béziers proche du RN Robert Ménard estime que le RN « continue à faire peur » et qu’il « faut rassurer », s’interrogeant « sur la crédibilité des gens que présente le RN ».

Le maire de Perpignan Louis Aliot, qui convoite la présidence temporaire du parti, plaide également pour davantage de « normalisation », mais ne veut « pas s’autoflageller ».

Le congrès samedi et dimanche à Perpignan « sera l’occasion d’avoir un débat de fond, sur la stratégie » et « les raisons » de la démobilisation, espère l’eurodéputé Nicolas Bay.

Un élu de Givors (Rhône) Antoine Mellies, proche de Marion Maréchal, n’ira pas au congrès et prédit son thème : « tout va bien madame la marquise. Ne changez rien ».