Une nouvelle page s’ouvre pour l’OTAN, alors que Joe Biden s’invite pour deux jours dans la capitale de l’Union européenne, transformée en forteresse

(Bruxelles) Le marathon diplomatique se poursuit pour Joe Biden. Après le G7 et la reine Élisabeth II, le président américain est à Bruxelles lundi et mardi, pour rencontrer ses homologues de l’OTAN et de l’Union européenne (UE). Une première depuis son élection.

Cette visite de 42 heures sera suivie mercredi d’une rencontre à Genève avec le dirigeant russe Vladimir Poutine, point culminant d’une tournée européenne de huit jours entamée au Royaume-Uni.

L’ambiance promet d’être bien différente cette fois au sommet de l’OTAN. Traumatisée par les années Trump, l’Alliance atlantique espère retrouver des relations à peu près « normales » avec l’administration Biden.

Loin de la rhétorique conflictuelle de son prédécesseur, qui avait fait tourner au vinaigre le sommet de 2019, le nouveau président ne cache pas son désir de tourner la page et de redémarrer sur des bases saines avec ses partenaires européens échaudés.

Ces « retrouvailles » ont donc une portée symbolique avant tout. On en profitera pour renouveler les vœux de mariage, avec un sentiment de soulagement généralisé qui risque de s’afficher sans complexes.

« La plupart des leaders européens sont contents de voir Biden, qui a une vision beaucoup plus orthodoxe que Trump. On peut s’attendre à beaucoup de rhétorique optimiste, des sourires, des tapes dans le dos », prévoit Jacob Parakilas, chercheur chez LSE Ideas, groupe de réflexion de la London School of Economics.

Mais au-delà de ce retour à la normale, ce sommet bruxellois sera aussi l’occasion de redéfinir une organisation qui était en « état de mort cérébrale », selon Emmanuel Macron en 2019.

Les bases d’un nouveau « Concept stratégique » doivent ainsi être lancées pour décrire les objectifs et principaux enjeux sécuritaires de l’OTAN jusqu’en 2030. Une mise à jour nécessaire, puisque la dernière version de ce « mode d’emploi » date d’il y a 10 ans, autant dire une éternité, considérant les nombreux bouleversements internationaux qui ont eu lieu depuis, tant sur le plan politique que technologique.

Russie, Chine, Turquie…

Même si elle ne constitue pas à proprement parler une menace territoriale pour les pays de l’OTAN, la Chine sera au centre des discussions.

Washington voudra s’assurer du soutien de ses partenaires européens pour contrer l’influence grandissante du géant asiatique, considéré comme une menace politique, stratégique et économique, en particulier dans le domaine de l’espace et du cyberespace.

Mais à quelques heures d’un duel Biden-Poutine mercredi à Genève, le problème russe reste la priorité « immédiate » pour l’Alliance atlantique.

Les contentieux n’ont cessé de se multiplier avec Vladimir Poutine, que ce soit sur l’Ukraine (à la frontière de laquelle la Russie a récemment envoyé un important déploiement militaire), l’affaire Navalny ou les enjeux de piratage informatique.

Les Alliés voudront adresser un message de fermeté à Moscou, même si les avis divergent et qu’un certain nombre de pays européens dépendent du gaz russe.

D’autres sujets épineux seront débattus dans ce sommet d’à peine deux heures et demie. La question de l’Afghanistan reviendra sur la table, tout comme celle de la Turquie, le membre « délinquant » de l’Alliance. Une rencontre bilatérale est par ailleurs prévue mardi entre le président américain et son homologue turc Recep Tayyip Erdoğan.

Il serait étonnant, enfin, que Biden revienne à la charge sur la question du partage des dépenses militaires, une polémique récurrente entre les États-Unis et l’Europe

Les pays de l’OTAN se sont engagés à consacrer au moins 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) au budget défense d’ici 2024. Mais la crise sanitaire a changé la donne, du moins pour un temps, estime la politologue Nicole Bacharan.

« Ce sera peut-être évoqué, mais je ne pense pas que ce sera une demande visible et bruyante, souligne cette spécialiste des États-Unis. Comme il s’agit de remettre sur pied cette alliance, je doute que ce soit à l’avant-plan dans les discussions. »

Pour l’instant, 11 Alliés sur 29 ont rejoint « le club des 2 % ». Bon 20e, le Canada n’en fait pas partie.

Remise au clair

Le « Biden European Tour » se poursuit mardi par une rencontre avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, Charles Michel, aussi à Bruxelles.

Les discussions tourneront autour des relations commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis, dont les taxes mises en place par Trump sur les exportations européennes (acier, aluminium, fromages, whisky…).

Le chercheur Jacob Parakilas y voit essentiellement un « meeting de réconciliation », où les deux partenaires pourront « remettre leur relation au clair ».

En mode forteresse

Dimanche, déjà, le quartier européen de Bruxelles et le siège de l’OTAN se mettaient en mode sécurité pour le débarquement de la délégation américaine.

Des défenses en barbelés étaient installées autour des bâtiments officiels, tandis que les entrées de métro étaient condamnées pour trois jours. Des policiers allaient même jusqu’à évacuer, à la scie, les vélos restés attachés près des zones sensibles…

Ce passage en mode forteresse était aussi visible près de l’ambassade des États-Unis et du palais royal, où Biden doit rencontrer mardi Philippe, roi des Belges.

D’autres avaient choisi une façon plus festive de souligner cette visite importante. Rassemblés place du Luxembourg, une centaine d’expatriés américains, réunis sous la bannière des Democrats Abroad Belgium, célébraient la venue de « leur » président avec pancartes et drapeaux des États-Unis.

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

Kirsten Maher, expatriée américaine

Les plus excentriques avaient carrément amené leurs chiens, affublés de costumes aux couleurs patriotiques de la « Star-Spangled Banner », façon comme une autre de souligner l’évènement

« L’ambiance est tellement différente cette fois, lance Kirsten Maher, heureuse propriétaire d’un terrier blanc répondant au nom de… Bruce Springsteen. Ce président est un vrai politicien. Il a un point de vue. Il sait ce qu’il fait. Il ne fait pas que réagir aux nouvelles sur Fox News. C’est un pro. Il fallait marquer le coup, non ? »