Une église orthodoxe serbe, illégalement construite après la guerre de Bosnie des années 1990 sur la propriété d’une famille musulmane dans la région de Srebrenica, a été détruite samedi, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Après des années de combats juridiques dans le pays, la propriétaire du terrain à Konjevic Polje (est), Fata Orlovic, 78 ans, dont le mari a été tué dans le massacre de Srebrenica en 1995, avait saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui a sommé en octobre 2019 les autorités locales de démolir l’église et de restituer le terrain à la famille.

Les travaux de destruction ont duré toute la journée, en présence de la police, mais sans incident.

Les matériaux ont été transportés vers la ville de Bratunac, dans la même région, où ils seront utilisés pour construire une nouvelle église, selon une décision des autorités locales prise en 2020.

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« Enfin la justice. C’est mon plus beau jour, c’est la joie », a déclaré à l’AFP la propriétaire du terrain.

« Je remercie tous ceux qui participent à ces travaux. Qu’ils la reconstruisent chez eux, je n’ai rien contre. Je n’irais jamais prier dans une mosquée construite de cette façon. Nous avons tous le même sang. Je ne l’ai jamais touchée. Ils l’ont construite et, Dieu merci, ils l’ôtent », a ajouté Mme Orlovic.

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Fata Orlovic

L’église avait été construite en 1998, après la guerre intecommunautaire (1992-1995) qui a fait près de 100 000 morts, à l’époque où Fata Orlovic était toujours réfugiée. À son retour, en 2000, elle a entamé sa bataille juridique.

Konjevic Polje se trouve en Republika Srpska, l’entité serbe de Bosnie, dont les autorités refusaient d’ôter l’édifice. Depuis la fin du conflit, la Bosnie est divisée en deux entités, une serbe et une autre croato-musulmane.

L’église a toujours constitué un abcès de fixation entre les communautés serbe (orthodoxe) et bosniaque (musulmane). Une centaine de personnes des deux communautés se sont violemment affrontées en 2004.

« On peut enfin se dire que les lois existent dans ce pays, que quelque chose est respecté, que nous pouvons vivre normalement », a dit la fille de Mme Orlovic, Hurija Karic, 45 ans.

La destruction de l’église intervient à trois jours de l’énoncé du verdict en appel par la justice internationale contre l’ex-chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, condamné en première instance à la perpétuité, notamment pour son rôle dans le massacre de Srebrenica et dans le siège de Sarajevo.

Quelque 8000 hommes et adolescents bosniaques ont été tués dans le massacre de Srebrenica en juillet 1995, un crime qualifié de génocide par la justice internationale.