(Barcelone) Après des semaines de négociations tendues au sein du mouvement séparatiste catalan, l’indépendantiste modéré Pere Aragonés a été choisi vendredi pour présider la Catalogne, une région du nord-est de l’Espagne qui a été le théâtre d’une tentative de sécession en 2017.

Ce juriste de 38 ans, membre du parti Gauche Républicaine de Catalogne (ERC) et élu par le parlement régional grâce à la majorité de 74 voix sur 135 détenue par les indépendantistes, a promis que son gouvernement aurait « pour objectif de faire en sorte que l’indépendance de la Catalogne soit possible ».

Mais la résolution du « conflit politique » en Catalogne devra passer « par le dialogue, la négociation », ce qui « ne sera pas facile », a-t-il ajouté avant son élection par le parlement catalan, où les séparatistes ont renforcé leur majorité lors du scrutin régional de la mi-février.

M. Aragonés a assuré à ses partisans qu’il entendait obtenir de Madrid l’organisation d’un référendum d’autodétermination ainsi que l’amnistie des dirigeants indépendantistes condamnés à la prison ou ayant fui à l’étranger à la suite de la tentative de sécession de 2017.

Mais le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez est farouchement opposé à ces deux revendications.  

« Dialogue » ou « chantage »

« Le dialogue ne consiste pas à dire “ou il se passe ce que je veux ou je me lève et je m’en vais”. Ça, ça ressemble davantage à du chantage », a lancé le dirigeant des socialistes en Catalogne, l’ex-ministre de la Santé Salvador Illa.

M. Aragonés est parvenu à se faire investir président régional grâce à un accord entre sa formation et l’autre grande formation séparatiste, Ensemble pour la Catalogne (JxC), parti de l’ex-président catalan Carles Puigdemont.

Mettant leurs divergences de côté après des semaines de négociations tendues, ces deux formations ont décidé de reconduire leur coalition en vigueur depuis 2015, avec cette fois ERC à sa tête.

Leur principale divergence, qui s’est exacerbée depuis l’échec de la tentative de sécession de 2017, porte sur la stratégie du mouvement séparatiste catalan.

ERC est en faveur d’un dialogue avec le gouvernement central, qu’il soutient au Parlement de Madrid, alors que JxC prône toujours l’indépendance unilatérale.

Pour s’assurer du soutien de JXC et des indépendantistes radicaux de la CUP, M. Aragonés s’est engagé à revoir son approche si la négociation avec Madrid n’aboutissait pas.

Région divisée

Avec 7,8 millions d’habitants, la Catalogne est l’une des régions les plus riches et les plus peuplées d’Espagne.  

Les idées indépendantistes y ont gagné du terrain au cours des dix dernières années, conduisant en 2017 à une proclamation d’indépendance unilatérale après l’organisation d’un référendum par le gouvernement régional de Carles Puigdemont malgré son interdiction par la justice.  

Mais la population reste divisée à ce sujet, les derniers sondages montrant que les Catalans opposés à l’indépendance sont majoritaires.

L’arrivée au pouvoir de Pedro Sanchez à Madrid en juin 2018, après le renversement via une motion de censure contre le conservateur Mariano Rajoy soutenue par les partis indépendantistes, a apaisé les relations entre le camp séparatiste et le pouvoir central.

En échange du soutien d’ERC à sa reconduction au pouvoir en janvier 2020, M. Sanchez a consenti à la mise en place d’une « table de négociations » entre l’exécutif central et le gouvernement régional pour tenter de trouver une issue à la crise catalane.  

Mais la pandémie et les réticences de l’ancien président régional Quim Torra, dauphin de Puigdemont et destitué par la justice en septembre pour « désobéissance », ont paralysé ces négociations qui devrait reprendre prochainement lorsque le gouvernement régional de M. Aragonés entrera en fonctions.